Le péril acridien est loin d'être conjuré. Bien plus, la menace se fait toujours pesante. C'est le ministre de l'agriculture et du développement rural, Saïd Barkat, lui-même, qui l'a reconnu, jeudi, lors d'une visite de travail dans la wilaya deTiaret. Il n'est pas allé par trente six chemins pour soutenir que “les risques d'une seconde invasion sont imminents après l'éclosion des œufs pondus par les criquets lors de leur passage dans différentes régions du pays”. Les dernières chutes de pluie — la ponte se faisant en terrain humide — ont grandement favorisé de nouvelles éclosions d'œufs du criquet pèlerin. C'est depuis février dernier que plusieurs wilayas du sud (Ghardaïa, Laghouat, El Oued, Biskra, Naâma, Béchar, Tamanrasset,…) sont infestées. à la mi-mars, un plan d'urgence de lutte contre l'invasion acridienne a été mis en place par le gouvernement en lui consacrant 6 milliards de dinars. Et depuis, c'est une lutte à mort qui s'est engagée contre le criquet pèlerin. Pour son éradication, d'énormes moyens matériels — des avions sont même utilisés dans les zones inaccessibles — et humains sont déployés sur le terrain. Une superficie de 1 200 000 ha est traitée sur une superficie de 1 252 000 ha infestée. Et plus de 80% de ces moyens sont concentrés sur le front Djelfa, Laghouat et Ghardaïa pour empêcher ces bestioles d'emprunter ce couloir pour progresser vers les plaines des wilayas du nord. C'est à ce prix que la saison agricole sera sauvée. Or, depuis le début du mois de juin et bien avant, on ne cesse de signaler çà et là, dans les wilayas des Hauts-Plateaux (Tiaret, Mascara, Sidi Bel-Abbès, M'sila, Aïn Defla, Bouira, Bordj Bou-arréridj, Sétif,…), des incursions de ces bestioles voraces. Le plus inquiétant est le fait qu'on semble avoir observé quelques criquets résiduels à… Birkhadem même. Se pose une question : le plan d'urgence de lutte contre l'invasion acridienne n'a-t-il pas tenu toutes ses promesses ? Les dernières pluies sont-elles la seule raison expliquant la persistance de la menace acridienne ? Ne s'y est-on pas pris un peu en retard ? Ou cela tient-il de la complexité du phénomène ? Tout ça à la fois peut-être. Lors d'une visite guidée organisée, fin mai, par le ministère de l'agriculture au profit d'un groupe de journalistes, cadres et intervenants n'ont pas cessé de supputer sur l'excellence des résultats de la lutte anti-acridienne. Et alors ? C'est vrai que M. Moumen, chef du poste de commandement central de la lutte anti-acridienne, avait émis, lors de cette même visite, des appréhensions quant à l'éclosion des œufs avec les chutes de pluies d'alors. En précisant aussi que le criquet pèlerin ne quittera le territoire national qu'à la fin du mois de juin pour rejoindre, à la faveur du climat tropical, la Maurétanie, le Sénégal, etc. Autre chose. On sait qu'en mai dernier, la lutte était à sa phase larvaire. C'est-à-dire que le cap était mis alors sur l'anéantissement des larves pour les empêcher de devenir des ailés immatures. Un stade de développement où le criquet est le plus nuisible. Au risque de paraître trop alarmiste, une question : Et si les larves ne sont pas toutes éliminées ? Surtout que M. Barkat a affirmé à l'occasion de son déplacement tiaréti que “l'intervention des techniciens et spécialistes algériens de la lutte contre les criquets a permis d'atténuer les risques d'infestation d'autres régions du pays par les essaims de ces coléoptères à la voracité destructrice”. Mais il a raison de dire que l'éradication d'un tel fléau “nécessite la mobilisation de l'ensemble du peuple algérien et plus particulièrement les agriculteurs”. A. C.