La télévision d'Etat est pour le moment fermée à l'opposition. Ahmed Ouyahia a tout balisé : il n'y aura pas de levée de l'état d'urgence, pas plus qu'une loi ou mécanisme sur la réconciliation nationale et pour couronner le tout, les manifestations de rues ou les réunions publiques sont interdites. La télévision d'Etat est pour le moment fermée à l'opposition. La réconciliation nationale telle que prônée et défendue au parlement et au Sénat par le chef du gouvernement est vidée de tout son contenu politique. De la bouche d'Ouyahia, la notion de réconciliation nationale renvoie à tout et à rien. Une manière pour Ouyahia de noyer le poisson dans l'eau ou de gagner du temps. Mais par rapport à quoi ? L'activité politique partisane est réduite à sa portion congrue. Même le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, se mure dans un silence qui ne lui sied point. Ses rares sorties publiques se limitent pour l'instant à inaugurer des manifestations émanant de la société civile. Après la «cacophonie électorale» le baromètre est descendu à son plus bas niveau. Des initiatives individuelles émergent çà et là sans que personne y prête attention. Deux mois à peine après l'élection présidentielle, la classe politique, toutes tendances confondues, est restée complètement assommée par le raz-de-marée électoral. Les principales revendications politiques comme celle de Louisa Hanoune qui continue à croire à son fameux congrès national algérien en passant par le mémorandum du FFS, adressé aux vrais décideurs, toutes ces initiatives politiques sont restées lettre morte. Mis à part la «guerre» des tranchées que se livrent les deux tendances du FLN et à un degré moindre la crise d'adolescence de l'Alliance présidentielle, toutes les formations politiques ont abandonné le terrain des luttes pour se murer dans un silence pesant. La place qu'elles devaient occuper sur l'échiquier national a été laissée au profit des citoyens déconcertés et obligés, à leur corps défendant, de recourir aux émeutes sociales qui éclatent sporadiquement un peu partout sur le territoire national. Le tête-à-tête gouvernement-société civile risque de se prolonger pendant encore longtemps. Cette situation rappelle, à bien des égards, celle qui a prévalu pendant l'année 2000. Les «promesses» électorales de Bouteflika ne sont plus devenues un «abcès de fixation» pour la classe politique qui découvre ahurie la réalité et la complexité de la tâche à entreprendre pour tenter de «contrer» sur son terrain un président qui joue sur du velours et qui bénéficie d'une inattendue «grâce» providentielle. Les timides accusations de fraude lancées par les adversaires de Bouteflika sont oubliées du jour au lendemain. Le moindre «frémissement» est analysé et décortiqué sous toutes ses coutures. L'absence manifeste du président Bouteflika dans le débat politique ajoute à cette confusion entretenue sciemment ou non, mais qui, par ricochet, pénalise grandement la compréhension des enjeux politiques et économiques à venir. Cette «retraite» du président a de quoi entretenir tous les doutes même ceux les plus fous et les observateurs ne manqueront pas de voir dans cette attitude pour le moins curieuse une sorte de parfait «partage de rôles». D'autres ont vite conclu à des «divergences» de fond entre Bouteflika et son chef du gouvernement sur la question de la réconciliation nationale. Ce dernier, comme à l'accoutumée, ne peut s'empêcher d'ouvrir et de refermer aussitôt des pistes. Le double langage qu'il a entretenu au sujet de la réconciliation nationale mérite qu'on s'attarde un peu plus sur cette question sensible. Lors de sa campagne électorale, le président Bouteflika a laissé entendre, à demi-mot, que la réconciliation englobera également l'aspect politique puisqu'il n'a pas fermé la porte à une éventuelle «légalisation» sous une autre forme du parti dissous. Or, Ouyahia a clairement indiqué à l'APN et ensuite au sénat que le dossier de l'ex-FIS est définitivement «clos», de même que l'Etat n'est pas disposé à revenir à la situation qui a prévalu pendant les années 90, entendre par là le laxisme et le laisser-aller de l'Etat. A l'approche de la saison estivale, la scène nationale est pratiquement dominée par les évènements sociaux qui mettent à mal la cohésion du gouvernement Ouyahia lequel est appelé à rester à «l'écoute» des pulsions sociales qui agitent le pays.Les «grondements» qui bruissent au fur et à mesure de l'intérieur du pays sont des indices révélateurs du vraimalaise social qui secoue la population sous l'oeil «amusé» de la centrale syndicale occupée à comptabiliser les «dividendes» de son soutien au programme d'Ouyahia.