La majorité des présents se sont accordés pour joindre leurs voix à Zerhouni et dire que «la situation ne se prête pas à une pareille demande». Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a véritablement joué sur du velours, hier, en se présentant devant la commission de la défense nationale de l'APN, en vue de débattre à huis clos de la proposition de loi du MSP relative à la levée de l'état d'urgence. Simple formalité, désormais, ne représentant désormais aucun enjeu politique, le texte a dû malgré tout être présenté par son initiateur, le député Aïssa Brahimi. Des sources proches de cette rencontre, qui a eu lieu dans le courant de l'après-midi, rapportent que cet élu, agissant sur instruction de son parti, «a présenté son texte sans grande conviction simplement parce qu'il le fallait». Cela a laissé la part belle à un Zerhouni qui, dit-on, était au mieux de sa forme, pour rappeler une fois de plus que «le maintien de l'état d'urgence ne gêne en rien le citoyen». Grosso-modo, cette affirmation demeure vraie, si l'on excepte certaines «tracasseries» que les citoyens sont forcés de subir du fait du dispositif sécuritaire maintenu sur les principaux axes routiers ainsi que certains points jugés «sensibles» dans la plupart des métropoles algériennes. La majorité des présents, comme le souligne le communiqué rendu public à l'issue de cette rencontre, se sont accordés pour joindre leurs voix à Zerhouni et dire que «la situation ne se prête pas à une pareille demande», souhaitant que le député «aille en parler de nouveau avec son parti», voire carrément avec l'Alliance présidentielle. Sur le plan politique, les coulisses de l'APN, qui bruissaient avec insistance autour de cette question, indiquent que le MSP, qui appelait par le passé à libérer «l'otage» qu'était sa proposition de loi sur la levée de l'état d'urgence, en étaient arrivées à la conclusion que «ce parti s'apprête à effectuer un recul stratégique, dans le but de sauver la face». Des cadres de ce parti, sous le sceau de l'anonymat, s'en expliquent en indiquant que «les données ont changé depuis que le MSP a intégré l'Alliance présidentielle». Les mêmes sources ajoutent que les réunions cycliques des instances mises en place à la suite de la signature du règlement intérieur de cette alliance «auront à se pencher sur cette question afin de prendre une décision commune». C'est là que les débats et les pronostics demeurent plus ou moins ouverts. Si aux yeux de nos sources, pourtant proches du Msp, il ne fait aucun doute que «la proposition sera retirée avant même d'arriver à la plénière de l'APN». Bouguerra Soltani en personne, que nous avions pu interpeller sur le sujet en marge de la cérémonie d'investiture de Bouteflika, n'avait pas hésité à faire état du recul de son parti en l'expliquant ainsi : «Si l'on vous donne un vélo alors que vous ne revendiquiez qu'un klaxon, il est certain que vous ne direz pas non. Il en va ainsi pour la mise en application de la réconciliation nationale d'une part, et la levée de l'état d'urgence de l'autre.» Si le président de ce parti en personne a donné le ton de ce que sera la position future de son parti, il ne fait presque pas de doute qu'elle a obéi à des considérations liées au maintien de la cohésion de cette fameuse alliance. Tacitement, des règles du jeu se sont établies entre les trois leaders de ce puissant mouvement politique. Ahmed Ouyahia, qui coiffe la double casquette de secrétaire général du RND et de chef du gouvernement, garde au fond de lui des relents de cet éradicateur qu'il a été un jour. Il a ainsi eu plusieurs fois l'occasion, au même titre que son ministre de l'Intérieur ou ses cadres du RND, de contester vigoureusement toute idée de levée de l'état d'urgence dans l'état actuel des choses, et même si le terrorisme a grandement reculé et si les redditions se compteraient désormais par dizaines à travers tout le territoire national, cela depuis que «l'élimination» de l'émir national du Gspc, Hassan Hattab, a été confirmée par son successeur, Nabil Sahraoui en l'occurrence. Reste la donne Belkhadem dont la caractère «réconciliateur» aurait pu faire infléchir la balance, d'autant que son parti jouit de la majorité absolue au sein de la chambre basse du parlement. Sa «guerre» contre ce qui reste de l'arrière-garde de Benflis, toutefois, le force à faire montre d'une extrême prudence afin de ne compromettre aucune de ses chances d'en finir le plus vite possible avec cette histoire, mais aussi de mener convenablement ses hautes et délicates charges de chef de la diplomatie algérienne. Dans tout cela, s'indignent les quelques partis et analystes toujours favorables à la levée de l'état d'urgence mais n'y pouvant rien, «il ne fait aucun doute que la coalition gouvernementale s'accroche à cette loi comme à une planche de salut car elle lui permet d'exercer pas mal de contraintes et de pressions sur la classe politique, ce qui inhibe toute action sérieuse et porteuse de l'opposition véritable». Nos interlocuteurs ajoutent que si cette loi était levée, jamais les marches et les rassemblements ne seraient interdits. Jamais non plus un parti comme le mouvement Wafa ne subirait les affres d'une interdiction tacite qui en dit long sur la volonté du pouvoir de maintenir un statu quo qui ne semble plus déranger grand-monde.