Officieusement, Ouyahia a exclu l'idée que son parti brigue le poste de troisième homme de l'Etat. Les ondes de choc liées à la spectaculaire démission de Karim Younès de son perchoir à l'APN n'en finissent plus d'alimenter la chronique politique. C'est ainsi que le président du MSP, membres de l'Alliance présidentielle et député à cette assemblée, a laissé entendre qu'il pourrait annoncer officiellement sa candidature ce mercredi. Une séance plénière est en effet prévue en ce jour afin de constater la vacance du poste de président de l'APN, une fois acceptée la démission de Karim Younès par la commission juridique. Conformément au règlement intérieur, les candidatures seront ouvertes immédiatement après, sous réserve que le vote se fasse dans un délai ne devant pas excéder une quinzaine de jours. Dans le cas où un seul candidat se présente, le vote se fera à main levée. Mais s'il y en a plus d'un, il est recouru au vote à bulletin secret, avec possibilité d'aller vers un second tour si aucun n'obtient la majorité absolue des voix exprimées. Le MSP, dont le président a entrepris des contacts poussés avec des députés en vue de les convaincre de le soutenir, compte beaucoup sur un pareil scénario, à même de lui garantir les voix des anciens partisans de Benflis. Ce qui reste sûr, en revanche, c'est que les voix du mouvement El-Islah, pourtant islamiste, seront refusées au MSP depuis la prise de bec entre les deux partis à la suite des sénatoriales. Le PT, lui, pourrait fort bien s'abstenir, car ne se reconnaissant dans aucun des programmes des candidats potentiels, alors que les députés indépendants, au nombre de 20, auxquels il faut ajouter ceux du FLN, peuvent fort bien créer la différence dans le cas où les manoeuvres sont menées avec la dextérité voulue. Fateh Guerd, député et membre influent à la direction du MSP, confirme que cette candidature est bel et bien envisagée par son parti. Des contacts intenses sont ainsi entrepris au sein de l'Alliance présidentielle afin de chercher assez d'appuis qui puissent permettre à Bouguerra Soltani de passer sans encombre. Au stade où en sont les choses, le parti majoritaire à l'assemblée, dont le groupe parlementaire a retrouvé quasi intégralement sa cohésion, refuse catégoriquement d'entendre parler de la candidature d'un autre parti que le sien. Abdelaziz Belkhadem, qui a officiellement pris les commandes du FLN, nous indiquait, sans coup férir, ce samedi que «le poste de président de l'APN ne quittera pas les rangs du FLN quels que soient les scénarios envisagés». Outre le fait que ce parti a tout lieu de compter mieux que quiconque sur le soutien de l'Alliance présidentielle, il convient de souligner qu'il n'a besoin de personne pour faire passer son éventuel candidat avec ses 199 députés représentant une majorité absolue au sein de l'APN. Les choses, toutefois, ne semblent pas si simples que cela. Les irréductibles de Benflis sont au nombre de plus d'une dizaine, ce qui réduit d'autant les chances du FLN. Face à cette inconnue, il faut ajouter les informations confidentielles que nous avons pu obtenir hier concernant le groupe parlementaire du RND. Ahmed Ouyahia, qui a réuni hier matin son bureau national, a officiellement décrété que son parti ne présentera pas de candidat. Si aucune consigne de vote n'a encore été donnée, certains dirigeants du MSP se demandent «si le scénario Bouguerra Soltani n'est pas le bon, partant du principe que la réconciliation nationale doit aussi permettre à la mouvance islamiste modérée de prendre une part active à la gestion des affaires de la cité dans un cadre strictement codifié, conformément au scénario turc». Mais l'éventualité la plus plausible, comme le soutiennent les observateurs, c'est que le MSP, qui se sent blousé à la suite de la nomination du gouvernement sans qu'il y ait obtenu aucun poste supplémentaire, serait peut-être en train de verser dans la surenchère afin de recevoir des lots de consolation, soit lors du prochain remaniement gouvernemental, soit en lui accordant quelques postes de walis, de chefs de daïra et même d'ambassadeurs. Ces analystes soulignent que les islamistes, qui ne sont pas en «odeur de sainteté» à l'échelle internationale, n'ont aucune chance de prendre les commandes d'une institution comme l'APN. Cela a fortiori que le FLN reste majoritaire au sein de l'APN et a, donc, toutes les chances de voir son candidat passer. Quoi qu'il en soit, il ne fait non plus aucun doute que les tractations au sommet, qui vont bon train, seront déterminantes dans la «désignation» du troisième homme de l'Etat même s'il ne peut devenir président de la République même en cas d'empêchement du chef de l'Etat et du président du sénat, comme le stipule l'article 88 de la Constitution.