Le monde du gaz et du pétrole se rassemble de lundi à jeudi prochains à Moscou pour le 21e Congrès mondial du pétrole, en pleine agitation provoquée par la crise ukrainienne et la guerre en Irak. Cérémonie d'accueil des délégations demain soir sous les ors du Kremlin, suivie d'un discours lundi du président russe Vladimir Poutine, pour lancer les travaux: les autorités ont mis les petits plats dans les grands pour cet événement, qui sera l'occasion pour Moscou de réaffirmer son statut incontournable sur la scène pétrolière, et qui devrait confirmer le désir des compagnies occidentales de poursuivre leurs affaires en Russie, en dépit des tensions. La Russie est depuis plusieurs années au coude à coude avec l'Arabie Saoudite, le chef de file de l'Opep, pour le titre de premier producteur d'or noir de la planète. Pas moins de 5000 délégués, dont le patron du géant britannique BP et le secrétaire général de l'Opep, Abdallah El-Badri, et les dirigeants des groupes russes Gazprom et Rosneft sont attendus à cet événement d'envergure, organisé par le Conseil mondial du pétrole. Cet organisme regroupe les représentants du secteur pétrolier (compagnies publiques et privées, agences gouvernementales...) de 65 pays représentant plus de 95% de la production et de la consommation mondiale d'or noir. Si les thèmes des conférences et tables rondes s'annoncent très classiques (problématiques de financement, derniers développements en matière d'hydrocarbures non conventionnels...), ce sont surtout les questions géopolitiques qui risquent de retenir l'attention. L'événement intervient en effet sur fond d'offensive jihadiste en Irak, qui menace de compromettre les objectifs de redressement de la production pétrolière du pays, et qui provoque une poussée de fièvre sur le marché, propulsant hier le baril à des plus hauts niveaux depuis septembre, alors que l'Opep a maintenu cette semaine son plafond de production collectif à 30 millions de barils par jour. Certains acteurs du secteur pétrolier irakien se réuniront aussi lors d'une conférence spécifique mardi et mercredi à Londres. L'autre sujet de préoccupations, ce sont les négociations très tendues entre Moscou et Kiev sur la question de la fourniture de gaz russe à l'Ukraine. La Russie a fait savoir hier qu'elle ne prévoyait pas de reprise des discussions sur le prix du gaz livré à l'Ukraine avant l'expiration de l'ultimatum de lundi matin fixé par Moscou pour le paiement de la dette ukrainienne. Les négociations triparties UE-Russie-Ukraine sont suspendues depuis mercredi. Les compagnies pétrolières devraient profiter de l'occasion pour redire leur volonté de continuer à travailler et investir en Russie, malgré la forte dégradation des relations entre Moscou et l'Occident. Fin avril, le patron du numéro un du pétrole russe Rosneft, Igor Setchine, a ainsi été inclus dans la liste des personnalités visées par des sanctions américaines en réponse à la crise ukrainienne. Malgré cette mesure, plusieurs sociétés occidentales qui ont noué ces dernières années de gros partenariats avec Rosneft, comme le britannique BP, le norvégien Statoil et l'américain ExxonMobil ont dit vouloir poursuivre leur coopération avec le groupe russe. BP, qui possède près de 20% de Rosneft, avait ainsi assuré qu'il restait «attaché à ses investissements» et avait «l'intention de rester un investisseur à long-terme en Russie». Le climat glacial entre Moscou et les chancelleries occidentales n'ont pas non plus dissuadé d'importantes compagnies européennes de conclure des accords au grand jour avec des groupes russes, lors du Forum économique de Saint-Pétersbourg fin mai. Le géant français Total a ainsi créé une coentreprise avec le groupe privé russe Loukoïl, pour exploiter du pétrole de schiste en Sibérie occidentale. BP a aussi signé un accord de 300 millions de dollars pour explorer avec Rosneft des gisements de pétrole non-conventionnel dans la Volga et l'Oural. Cet empressement des compagnies occidentales à continuer à commercer avec la Russie s'inscrit en fait dans une relation donnant-donnant. Les compagnies étrangères cherchent à accéder aux vastes ressources russes en hydrocarbures pour développer leur production future, tandis que les groupes russes du secteur ont besoin de forger des alliances avec les «majors» du pétrole, pour bénéficier de leur expertise technologique.