Le numéro un russe du pétrole Rosneft a offert, avant-hier, plus de 25 milliards de dollars au géant britannique BP pour sa part dans la coentreprise TNK-BP, selon plusieurs médias, ce qui pourrait transformer le groupe public en l'un des premiers producteurs de brut de la planète. Si Rosneft s'emparait de la totalité de son concurrent, il s'agirait de la plus importante nationalisation dans le secteur des ressources depuis une décennie qui donnerait naissance au plus grand producteur de pétrole coté en Bourse dans le monde, ont souligné les analystes de la Société Générale. L'ensemble totaliserait en effet une production totale de plus de quatre millions de barils de brut par jour, soit environ 40% de la production russe, bien plus que les géants cotés actuels, PetroChina ou ExxonMobil, mais toutefois moins que certaines compagnies souveraines, comme le saoudien Saudi Aramco. Troisième producteur russe de pétrole, TNK-BP est détenue à parité par BP et AAR, un consortium de milliardaires russes, qui sont en conflit ouvert depuis près de deux ans. Selon l'agence Dow Jones Newswires, BP a reçu, avant-hier matin, pour sa part de 50% dans la coentreprise une offre formelle de Rosneft, que plusieurs sources ont chiffré à environ 25 milliards de dollars en numéraire et en actions. De son côté, le Financial Times a avancé un montant de 28 milliards de dollars et précisé que le britannique pourrait obtenir une participation de 10 à 20% dans le groupe public russe. Le conseil d'administration de BP devait se réunir, hier, pour étudier l'offre, précise le quotidien économique britannique. Nous étudions les options disponibles, y compris les offres que nous avons reçues, a indiqué BP, se refusant à tout autre commentaire. Plusieurs médias avaient par ailleurs révélé, la veille, que Rosneft s'était mis d'accord avec le consortium AAR pour racheter sa participation dans TNK-BP pour 28 milliards de dollars. Nous continuons d'évaluer un certain nombre d'opportunités et nous informerons le marché quand cela sera approprié, s'est contenté de déclarer Rosneft dans un communiqué transmis. Créé en 2003, TNK-BP est englué dans un conflit entre actionnaires depuis la signature en janvier 2011 d'une alliance entre BP et Rosneft pour explorer l'Arctique, qui a finalement échoué en raison de l'opposition d'AAR à cet accord. La coentreprise représente à elle seule un quart de la production mondiale de BP et lui a rapporté plus de 18 milliards de dollars depuis sa naissance. Mais face à l'impossibilité de se mettre d'accord avec son partenaire, le géant britannique avait fini par annoncer en juin qu'il souhaitait vendre sa part. Rosneft avait fait part peu après de son intérêt et en septembre, des discussions ont eu lieu entre le président russe, Vladimir Poutine, des dirigeants de BP et Igor Setchine à ce sujet. Le ministre russe de l'Energie Alexandre Novak, a assuré, avant-hier, qu'une prise de contrôle de TNK-BP par Rosneft n'aboutirait pas à une situation de monopole. Nous avons suffisamment de concurrence sur le marché, a-t-il estimé. Une telle opération renforcerait cependant encore l'emprise du Kremlin sur le secteur énergétique russe. Que Rosneft forme un champion pétrolier détenu entièrement par l'Etat serait la meilleure solution pour l'Etat russe et exigerait probablement une nouvelle injection de fonds publics dans Rosneft, ont jugé les analystes de RBC Capital Markets. Le groupe public devrait en effet débourser une somme considérable pour s'emparer de son concurrent, valorisé plus de 50 milliards de dollars, même si la transaction se faisait en partie par une montée de BP dans son capital. L'agence Fitch a déjà prévenu qu'elle pourrait baisser la note de Rosneft une fois l'affaire conclue. Pour le britannique, une telle solution permettrait de solder l'aventure TNK-BP en gardant un pied sur le territoire russe. Selon les analystes de Bank of America, Merrill Lynch, Rosneft et BP pourraient ainsi relancer leur projet de partenariat avorté pour explorer la très convoitée région de l'Arctique. Le rachat pourrait chambouler les classements pétroliers Un rachat de TNK-BP propulserait le groupe russe Rosneft au premier rang mondial des producteurs de pétrole cotés en Bourse, même s'il resterait loin derrière le mastodonte public saoudien, la Saudi Aramco, et aurait une valeur boursière bien inférieure à ses rivaux américains ou chinois. En combinant les productions de pétrole brut réalisées en 2011 par Rosneft et TNK-BP, le groupe russe (actuellement numéro deux avec 2,38 millions de barils par jour, derrière le chinois PetroChina avec 2,42 millions), prendrait la tête du classement des producteurs d'or noir cotés en Bourse, avec environ 4 millions de barils par jour. L'américain ExxonMobil resterait à la 3e place avec 2,31 millions de barils. En revanche, le géant russe resterait loin derrière la compagnie publique saoudienne, qui produit autour de 10 millions de barils de pétrole brut par jour. Mais sa grimpée au sein du classement des producteurs privés illustrerait la montée en puissance de la Russie sur la scène pétrolière mondiale, ce pays disputant à l'Arabie Saoudite le titre de premier pays producteur de brut de la planète. Si l'on prend en compte cette fois la production totale d'hydrocarbures (c'est-à-dire de pétrole et de gaz naturel), l'ensemble Rosneft/TNK-BP serait 3e parmi les compagnies cotées, derrière PetroChina et ExxonMobil, avec environ 4,3 millions de barils équivalent pétrole par jour. Enfin, si l'on se base sur un tout autre critère, celui de la valeur boursière, le groupe resterait loin du podium mondial des compagnies pétrolières et gazières. Selon un pointage effectué avant-hier, selon ce critère, le classement des compagnies pétrolières resterait dominé par l'américain ExxonMobil avec 420 milliards de dollars, devant le chinois PetroChina (256 milliards), l'anglo-néerlandais Royal Dutch Shell (221 milliards) et l'américain Chevron (220 milliards). En additionnant sa valeur et celle de TNK-BP, Rosneft, valorisé autour de 110 milliards de dollars, grimperait de plusieurs échelons mais pointerait autour de la 10e place, derrière son compatriote Gazprom.