Prendre au quotidien sa drogue en se shootant au foot «Les portes de l'avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser.» Coluche ça y est, ce qui devait arriver arriva! L'équipe d'Algérie a été battue et avec elle toute la jeunesse qui s'est sentie abandonnée par une équipe qui n'a pas fait ce qu'il fallait pour défendre les couleurs. «Moualfine bellakhsara» «Nous sommes habitués à l'échec», c'est par cette phrase sans appel que le journaliste du quotidien d'Ennahar a qualifié la triste situation de l'équipe algérienne et de sa débâcle. Même si l'adversaire était autrement plus coriace et supérieur, il était tout de même à notre portée. Ce qui fait mal par-dessus tout c'est cette reddition en rase campagne. Les joueurs de l'Equipe nationale ne se sont pas battus, ils étaient claqués et pire encore, ils ne se sentaient pas concernés. Pourquoi? Est-ce que les primes qui s'évaluent par centaines de millions aux joueurs importés ne sont pas suffisantes? Est-ce que l'entraîneur ne touche pas assez bien avec les 600.000 livres, soit plus d'un milliard de centimes par mois? Non! Je crois personnellement qu'il leur manquait une vertu cardinale. Celle de l'amour du pays, celle d'un nationalisme dont on nous interdit d'en parler alors que des pays «censeurs» n'hésitent pas eux-mêmes à user et abuser de cette corde sensible. On a cru - naïfs que nous sommes- que l'on avait affaire à des Algériens à part entière et non entièrement à part avec un statut privilégié. De mon point de vue, cette expédition brésilienne comme les précédentes est vouée à l'échec. Que l'on se rende compte! Après les époques bénies de la Révolution et de l'épopée de 1982, l'Algérie n'a plus jamais marqué de buts en Coupes du monde depuis 1986. l'Afrique du Sud a constitué pour l'Algérie un fiasco à la fois moral, mais aussi financier, des dizaines de milliards ont été dépensées en primes, déplacements, hôtels sponsoring pour un résultat nul. Petit rappel nostalgique des grandes heures du football algérien Dans une contribution suite au décès de l'immense joueur talentueux Mustapha Zitouni en janvier dernier, j'avais écrit: «(...) Nous voulons saisir cette opportunité pour rendre hommage à ces géants, ces révolutionnaires sans médaille, sans m'as-tu-vu, sans course aux privilèges, qui humblement affirment qu'ils n'ont fait que leur devoir. Des milliers d'Algériens se sont battus de toutes les manières possibles pour l'indépendance du pays et l'immense erreur à l'indépendance a été de dicter la norme de ceux qui appartiennent à la famille révolutionnaire et de ceux qui n'y sont pas... Mustapha Zitouni qui avait tout pour être intégré à la société française en tant que brillant footballeur professionnel a préféré de tout laisser tomber et de repartir à zéro pour une certaine idée de l'Algérie. (1) Il était une fois la Révolution. Rabah Saâdallah et Djamel Benfars débutaient leur ouvrage: «Ils ont tout quitté, tout laissé et ont suivi la direction que leur dictait leur destin. Destin qui les a conduits au terme d'un long voyage au pays merveilleux de la fraternité où la joie a explosé avec la liberté retrouvée. Leur épopée ne fait pas figure de légende et ses héros en sont presque oubliés. Peut-être vont-ils entrer dans l'Histoire?»(2) Dans le même ordre des exemples immortels, les gloires de 1982 ont, à leur façon, donné du rêve aux Algériens en donnant une correction aux Allemands, mais aussi aux Autrichiens qui se sont entendus lors du match de la honte pour éliminer l'Algérie. Ces joueurs revenaient au pays avec la satisfaction du devoir accompli. Ils ne demandaient rien en échange. A l'époque, dans sa magnanimité l'Etat leur a permit d'acquérir un réfrigérateur ou une télévision.... Ce n'était pas des mercenaires venus prendre la dîme et retourner chez eux..Là-bàs.. Comme ils disent dans l'équipe B française... S'il est vrai que le football est un soporifique puissant, outre l'Etat, les médias écrits et audiovisuels ont participé à la déification de martiens qui, en définitive, non seulement n'ont rien apporté au pays ni sur le plan éthique, ni sur le plan de l'identité, mais aussi ont durablement rayé le logiciel du vivre-ensemble du travail bien fait, du mérite dans la durée et non pas dans l'éphémère d'un match de foot où le jeune conditionné à consommer du virtuel se trouve dégrisé avec des lendemains qui ne chantent pas pendant que les mercenaires du ballon rond rentrent chez eux dans les banlieues françaises pour aller frimer aux frais du contribuable algérien ou plutôt de la rente. Les marchands de rêve qui nous amènent les Messi, les Maradona dont on a acheté à prix d'or leur déplacement en Algérie ont rendu un très mauvais service à l'Algérie de ce XXIe siècle qui va chercher sa légitimité ailleurs.(1) Le football, école d'humilité ou de la corruption? Qu'on le veuille ou non, le beau football est un plaisir des yeux. Quand on allie l'élégance de la technique à la puissance physique c'est du pur bonheur. Albrecht Sonntag est sociologue à l'ESSCA, écrit: «On a beau être reconnaissant aux Espagnols pour tout ce qu'ils ont apporté au football ces dernières années, on a beau rendre hommage à la manière avec laquelle ils ont imposé une véritable révolution dans le jeu et en même temps tiré les autres vers le haut, on a beau être sincèrement admiratif de leur triplé Euro-Mondial-Euro inédit, rien n'y fait: on a quand même pris plaisir à voir les Néerlandais leur infliger non pas une «humiliation mondiale», comme le prétend le quotidien Marca, mais bel et bien une leçon d'humilité. Le football, c'est l'école de l'humilité. Y a-t-il un seul autre domaine de la vie où le principe «et plus dure sera la chute» est applicable avec autant de fiabilité? Combien de fois sommes-nous amenés, dans notre vie quotidienne et professionnelle, à regretter amèrement que l'arrogance, la suffisance, la condescendance ne soient pas punies, mais semblent au contraire encore renforcer la position de ceux qui l'affichent?» (3) Le football c'est aussi les scandales de la corruption dont le dernier en date celui de l'attribution imméritée au Qatar de l'organisation de la Coupe du monde en 2022. De fait, écrit Karim Mohcen, cette tendance mercantile du football est apparue à l'orée des années 2000 et l'avènement du Suisse Joseph «Sepp» Blatter à la tête de l'institution mondiale du football. Les règles ont ainsi changé, de même que la gouvernance du football. (...) En effet, le «foot-business» est aujourd'hui le marché le plus dérégulé de la planète dégageant des chiffres d'affaires mirobolants de près de 400 milliards de dollars. (...) Le fait est que le football est définitivement sorti de l'orbite du sport». (4) C'est aussi la corruption lors de l'attribution des marchés. Le Brésil a construit ou rénové douze stades pour accueillir la Coupe du monde. Le budget de ces travaux s'avère particulièrement élevé. Les soupçons se multiplient autour de ces chantiers. «Ils vont voler. Et beaucoup». C'est en ces termes que Romàrio, l'ancien attaquant international du Brésil décrivait, dès 2012, l'attitude des organisateurs de la Coupe du monde. Le football c'est enfin une gabegie énergétique. Lors de la Coupe du monde, l'énergie dépensée est suffisante pour alimenter l'équivalent de ce que 560.000 voitures utilisent pendant une année. La FIFA a également évalué la quantité d'énergie dépensée pour la mise en scène des matchs du tournoi. Le chiffre est de 2,72 millions de tonnes d'équivalent CO2. Soit l'équivalent de 306.000.000 gallons d'essence ou de combustion, 1,46 million de tonnes de charbon.(5) La réalité de la mal-vie au Brésil Pour la première fois, le «pays du football» ne l'est plus tout à fait... La ferveur demeure, mais l'organisation du Mondial a réveillé un autre Brésil, celui des «indignés». Cet amour partagé du ballon rond, au-delà de l'âge, du genre ou du milieu, confirme que le Brésil est définitivement o país do futebol [le pays du football]. Sans parler des légendes nées sous le maillot auriverde: Garrincha, Pelé, Ronaldo et peut-être, demain, Neymar, une lignée de joueurs-artistes aux dribbles et aux buts chaque fois réinventés. Dit autrement, le Brésil doit au football autant que le football doit au Brésil. Et pourtant, alors que le pays s'apprête à recevoir la Coupe du monde pour la deuxième fois de son histoire, la fête n'est pas au rendez-vous. (...)» Les Brésiliens ne sont pas emballés par cette coupe mal venue dans un contexte de crise: «Le discours anti-Coupe, écrit Marwan Chahine, est diffus. Selon un sondage réalisé début juin, 42% des Brésiliens se disent hostiles à la tenue de la compétition! Une autre étude souligne que 72% des gens se déclarent mécontents. Depuis plusieurs mois, les manifestations se multiplient. Professeurs, policiers, conducteurs de bus ou de métro battent le pavé, dans les grandes villes, pour réclamer une revalorisation de leurs salaires ou une amélioration de leurs conditions de travail. Et ils n'hésitent plus à écorner leurs idoles en short. «Un prof vaut plus que Neymar!», ont chanté les enseignants au cours d'une marche (...) Eron Morais, prothésiste dentaire de 33 ans, se réjouit du «réveil des consciences». Il rêve tout haut d'un «printemps brésilien».» (6) Dans une contribution remarquable, Pierre Guerlain, professeur de civilisation américaine à Paris écrit: «La FIFA a laissé le Qatar acheter sa Coupe du monde de foot, elle a ponctionné les contribuables brésiliens pour obtenir stades gigantesques et infrastructures dédiées au foot qui ne bénéficieront pas à la population. Les manifestants brésiliens réclament des services et infrastructures pour le peuple et refusent qu'on leur impose des congés obligatoires pour aller suivre des matchs. Le football est un spectacle mondial qui coûte la prunelle des yeux des contribuables. (...) Le foot est une pompe à fric qui vole les pauvres et remplit les poches d'une toute petite clique qui fricote avec les despotes. (...) Copa Para Quem? La coupe pour qui? scandent les manifestants qui rejettent la machine à rendre foot furieux». (7) Qu'en est-il de la «wantoutrisation» en Algérie? Sur le plan mondial, les joueurs présents au Brésil sont estimés à plus de 6 milliards d'euros, l'entraîneur le mieux payé et qui est classé premier est Fabio Capeloo avec 6 693,750 livres sterling. Sur le plan africain, Vahid Halihodzic est le deuxième entraineur le mieux pays avec 600 00 livres plus que l'entraîneur belge Mar Wilmoths à 515 000 livres (8) Chacun des 23 joueurs sélectionnés par Didier Deschamps pour disputer la Coupe du monde au Brésil touchera une prime de 330 000 euros en cas de victoire finale. Du jamais-vu en équipe de France. Justement, pour parler de l'indécence des sommes colossales perçues, il faut savoir par exemple, que dix joueurs les mieux payés dont David Beckam, Ronaldinho Gaucho, Whyne Rooney ont reçu en une année 135 millions d'euros, 20 millions de dollars par individu (55 000 $/jour, contre 2$/jour en moyenne pour un Africain). On rapporte que le mathématicien russe, Grigori Perelman, a ignoré le prix d'un million de dollars. qui lui était attribué par l'Institut mathématique de Clay pour avoir démontré la conjecture de Poincaré, Perelman dit et veut dire qu'il ne veut pas travailler pour le fric ni pour les récompenses.» (9) A l'instar des religions classiques et dans le sillage du money-théisme, le football, représenté par la Fifa, a ses prêtres, ses règles, ses dieux que l'on doit adorer ou haïr selon une mercuriale bien huilée avec des vassaux consentants, mais qui y trouvent leur compte en définitive, il s'agit des médias dont le rôle est d'empêcher par tous les moyens le citoyen ou ce qu'il en reste, car il est surtout un consommateur, de réfléchir, son rôle n'est pas de penser mais de dépenser et de prendre au quotidien sa drogue en se shootant au foot. Il n'est que de voir comment les médias de droite, de gauche, du Nord, du Sud, des idéologues rétrogrades de ceux qui se piquent d'être modernes et éclairés sacrifient au veau d'or de la planète foot. Le foot business entretenu par les sponsors et tous ceux qui puisent dans la manne pétrolière à des degrés divers, cela va de l'entreprise pétrolière qui puise dans le viatique des générations futures en faisant le «bon prince», aux concessionnaires de voitures, aux vendeurs de béton, de pâtes, aux vendeurs de bavardages par portables interposés qui, avec la complicité des médias, fabriquent ou démolissent des joueurs dont on cache pudiquement les «exigences en termes de cachet» pour amuser les foules. La footballisation des esprits est une réalité A sa façon Kamel Daoud décrivant la footballisation des esprits écrit: «La wantoutrisation frappe durement l'esprit du pays à chaque cycle. Une idée malsaine traverse la tête: mis à part l'équipe pour ce Mondial encore, tout est 100% algérien. Le drapeau, les supporters, l'hymne et le tic-tac du temps et les avions et l'argent. Sauf les joueurs. On a fini par comprendre: il vaut mieux importer une équipe que d'attendre qu'elle émerge ici. Un chroniqueur collègue a parlé même d'une équipe de France B pour l'équipe nationale. Il n'a pas tort même si cela agace un peu. On n'est plus en 1982. Le bon de commande a remplacé l'épopée de la décolonisation. Dans deux ans, l'attaquant algérien se nommera Dang Xian ould Khelifa. est joué d'avance. (...) En gros, la wantoutrisatioin est un produit dérivé, lointainement, à faibles doses, en réminiscence, du 5 Juillet 1962. Moment utopique que l'on tente de retrouver une génération après l'autre. Les uns dans le foot. Les autres dans une circoncision. Les derniers dans leur tête et dans la nostalgie» (10) Ainsi, nous pouvons dire qu'il y a, dans le cas de l'Algérie, un véritable conflit entre le stade, la mosquée où les émissions de chant et danses. En Algérie, l'Ecole ne fait plus rêver. Elle ne joue plus son rôle d'ascenseur social et ne discrimine plus entre «ceux qui jaillissent du néant» et les laborieux et les sans-grade qui contribuent à une Algérie fascinée par l'avenir. De ce fait, certains parents l'ont bien compris, ils cherchent pour leurs enfants la rampe de lancement la plus juteuse en termes de fortune rapide, ils ne cherchent pas la meilleure école pour leurs enfants, mais le meilleur club pour inscrire leurs enfants. Quelle est la valeur ajoutée pour le pays d'un joueur par rapport à un universitaire besogneux qui doit se réincarner plusieurs fois pour atteindre la prime donnée en une fois à un joueur lors de cette Coupe du monde? «Un prof vaut mieux que Neymar» scandent les besogneux brésiliens outrés par le salaire insolent du joueur Neymar. Quand John Fitzgerald Kennedy s'est adressé à la jeunesse de son pays, c'était pour l'inviter à tout faire pour conquérir la Lune. Mutatis mutandis, adressons-nous à cette jeunesse pour lui demander de penser à l'Algérie de demain, celle de l'effort, du travail bien fait qui nous donnera une satisfaction dans la durée au lieu et place du soporifique sans lendemain qui est, à bien des égards, l'antithèse de toutes les valeurs que l'Ecole tente d'inculquer en vain. Nous devons repartir du bon pied, former nos jeunes dans le pays, construire des stades et mettre fin à cette importation en tout qui a tant fait de mal à ce pays. 1.C. E. Chitour: Mustapha Zitouni nous a quittés L'Expression 09 01 2014 2. Rabah Saâdallah, Djamel Benfars: La glorieuse équipe du FLN. p. 100. Enag Alger 2010 3.Albrecht Sonntag: Le football, école d'humilité Le Monde.fr 14.06.2014 à 15h27 4. http://www.lexpressiondz.com/edito/ 196608-le-mondial-a-l-ombre-du-foot-business.html 5.Nick Cunningham: 3 milliards d'autres téléspectateurs Oilprice.com 6.Marwan Chahine: http://tempsreel.nouvelobs.com/coupe-du-monde/20140611. OBS0106/coupe-du-monde-quand-le-ballon-rond-dechire-le-bresil.html* 7.http://www.huffingtonpost.fr/pierre-guerlain/reseau-mafieux-coupe-du-monde_b_ 5491625.html?utm_hp_ref=france 8. http://www.dailymail.co.uk/sport/worldcup2014/article-2654453/Roy-Hodgson-trails-Fabio-Capello-highest-paid-managers-World-Cup.html 9C.E. Chitour http://www.legrandsoir. info/La-foot... http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pour-en-finir-avec-l-144164[RTF bookmark start: _GoBack][RTF bookmark end: _GoBack] 10.K. Daoud: la douce wantroutisation http://www.lequotidien-oran.com/?news= 5199639