«Nous avons réussi à aller à la trêve, ensuite à la concorde civile et enfin à la Réconciliation nationale» Pour marquer une halte à ces consultations marathoniennes, le directeur de cabinet de la présidence de la République a organisé, hier, une conférence de presse à Djenane El Mithak. L'inoxydable Ouyahia n'a pas pris une ride. Il garde intact son art du slalom politique et file entre les doigts comme du mercure insaisissable. Faisant une halte de ses consultations marathoniennes pour la révision de la Constitution, le directeur de cabinet de la présidence de la République a eu le mérite d'être clair, net et précis sur certaines questions qui alimentent la scène politique nationale et surtout de délimiter les point de friction avec l'opposition que M.Ouyahia a préféré appeler «boycotteurs». Le retour du FIS dissous, la transition prônée par l'opposition, l'amnistie générale et l'implication de l'armée dans le processus politique. Pour le FIS dissous, M.Ouyahia a dit niet, affirmant qu'il n'y aura pas retour du Front islamique du salut (FIS) dissous. «Je vous confirme qu'il n'y aura pas de retour du FIS dissous», a déclaré M.Ouyahia. Pour Ouyahia, l'article 78 de la Constitution est immuable. La République avec son édifice légal a balisé le terrain. Il n' y aura pas de parti sur une base religieuse, linguistique ou une autre composante de notre identité. Il a indiqué qu'il «partageait les mêmes visions politiques» avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, «qui a eu déjà à s'exprimer sur le sujet». Justifiant l'invitation des anciens du FIS dissous, il a expliqué que la démarche du président Bouteflika est rassembleuse dans le cadre des lois de la République. «Si on parle de El Hachemi Sahnouni, l'histoire lui reconnaîtra le mérite de faire partie des trois dirigeants du FIS qui sont partis à la télévision pour éclairer que la démarche de son parti allait conduire les Algériens à la catastrophe.» Eloge au FFS et une fleur pour Grine Pour le cas de Madani Mezrag, il a relevé qu'au lendemain de l'élection de Liamine Zeroual, président de la République, Mezrag, qui était le chef de l'Armée islamique du salut (AIS), a envoyé un message dans lequel il a appelé à «trouver une sortie». «Nous avons réussi à aller à la trêve, ensuite à la concorde civile et enfin à la Réconciliation nationale», a indiqué M.Ouyahia, qui dit être témoin et acteur de cette période. Il a également rappelé qu'«entre 1993 et 1995, nous avons tout fait avec les dirigeants politiques du FIS pour obtenir un appel à l'arrêt de la violence. Malheureusement, cela n'avait pas été possible», a-t-il ajouté soutenant que le gouvernement ne fait pas de la manipulation, mais veut rassembler les Algériens. «Ceux qui disent que le pouvoir essaye de récupérer ou de manipuler l'ancien parti dissous pour faire face à l'opposition, je suis au regret de leur dire que le pouvoir a assez de défis et de complications à gérer pour ne pas s'inventer des démarches infantiles», a-t-il dit. Toujours au sujet de ceux qui ont répondu à son invitation, l'ex-Premier ministre n'a pas tari d'éloges sur le FFS. Il s'est félicité de la participation «claire et effective» du parti de Aït Ahmed à ces consultations soulignant que sa rencontre avec le premier secrétaire Ahmed Betatache et d'autres dirigeants du parti «était très riche et a montré que le dialogue avec l'opposition était possible. Elle a également reflété une attitude politique civilisée». «Le pouvoir n'est pas contre la conférence du consensus national que prépare le FFS», a rappelé M.Ouyahia affirmant que «les partis politiques, les acteurs de la société civile et les personnalités pro-pouvoir ont toute la latitude de participer ou non à cette rencontre». Pour lui, les partis ayant pris part aux consultations représentent les sensibilités qui existent sur le terrain politique dont le doyen des partis de l'opposition en Algérie, le FFS qui, aux yeux de Ahmed Ouyahia, vient de donner une leçon de pédagogie politique. «Le FFS n'est pas venu cautionner notre démarche ni nous donner du crédit mais dans un souci de débats et discussions. Ce n'est pas toujours que le FFS répond aux invitations.» Dans ses éloges, M.Ouyahia n'a pas manqué de faire une fleur au ministre de la Communication Hamid Grine qui, dit-il, doit «nous aider à mieux affiner notre communication gouvernementale». Tout aussi tranchant, au sujet de la transition, Ouyahia la considère comme étant une démarche dangereuse, voire même «un reniement» et que l'option d'une période de transition brandie par ceux ayant préféré boycotter ces consultations «se veut l'une des plus dangereuses formes d'opposition au pouvoir concernant la révision de la loi fondamentale du pays». Il estime que l'Algérie d'aujourd'hui est un Etat aux institutions démocratiques où le peuple choisit ses dirigeants tous les cinq ans, comme ce fut le cas le 17 avril 2014 L'autre question cruciale au sujet de laquelle M. Ouyahia n'a pas mâché ses mots était celle concernant le rôle que certaines personnalités veulent attribuer à l' Armée nationale. «L'ANP qui avait corrigé les échecs politiques de 1992, assume une responsabilité constitutionnelle clairement définie et se charge de la noble mission de veiller à la sécurité et à la stabilité du pays, de défendre ses frontières et de lutter contre le terrorisme». La main tendue à l'opposition Il a précisé dans ce sens que l'Institution militaire «ne saurait être au service des manoeuvres politiques», ajoutant que la démocratie pluraliste est du ressort des hommes politiques». «Comme tous les républicains authentiques, le Président Bouteflika refuse d'injecter l'Armée dans la politique», a-t-il rappelé. Interrogé sur la possibilité d'«amnistie générale», il a répondu que c'est une «fumisterie», rappelant que la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale a «bien balisé le terrain» et «a laissé au chef de l'Etat une clé, qui est la possibilité de proroger l'opération de prise en charge d'enfants de l'Algérie qui renonceraient à la violence». Concernant les tentatives de certaines parties «de recourir à la rue pour déstabiliser le pays et faire passer leurs propres intérêts», M.Ouyahia qui s'est refusé de qualifier ces parties d' «anarchistes», tout en avertissant que «l'Etat ne permettra jamais qu'on utilise les enfants de l'Algérie au service de surenchères», ajoute «les Algériens ne seront plus le carburant des manigances politiques». L'autre moment fort de cette intervention du directeur de cabinet du président de la République a été cet appel sans condition, cette main tendue à l'opposition. Le conférencier a souligné que «les portes de la Présidence sont ouvertes aux parties ayant boycotté ces consultations et nous les attendons à tout moment pour qu'elles présentent leurs vues et leurs plates-formes et expriment leurs positions, même si elles sont opposées à celle du pouvoir». Dans ce contexte, M.Ouyahia a indiqué avoir chargé les partis politiques de l'opposition ayant accepté de participer aux consultations de «transmettre l'appel du président de la République à venir à tout moment pour prendre part à ces consultations», car il s'agit de pouvoir parvenir à un résultat dans un cadre consensuel. La conjoncture actuelle en Algérie, confortée par la sécurité et la stabilité socio-économique, «encourage tout un chacun à oeuvrer de concert à poursuivre la marche d'édification de l'Algérie, d'autant que les véritables enjeux d'aujourd'hui concernent essentiellement le destin de tout un peuple face à une crise mondiale qui dévoile à chaque fois une nouvelle facette de sa férocité», a-t-il rappelé. Il convient de souligner enfin que 75 partenaires ont pris part jusqu'à présent aux consultations sur la révision de la Constitution, lancées début juin à l'initiative du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a indiqué hier, à Alger, le ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia.