Le chef de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, mandaté par Bouteflika pour mener les consultations avec les partis et personnalités politiques sur la révision de la Constitution, s'est prêté, vendredi, au jeu des questions-réponses avec la presse. Fidèle à lui-même, l'homme ne s'est pas départi de ses convictions que le régime est sur la bonne voie et demande à l'opposition, qui appelle à une transition démocratique, de rejoindre la démarche du pouvoir. Le pouvoir tient à sa feuille de route et invite l'opposition à intégrer sa démarche. Le directeur de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, confirme les intentions du régime et livre trois messages : «Pas de transition», «pas de retour du FIS», «seul le chantier entamé par le pouvoir est valable». Intervenant lors d'une conférence de presse animée, hier à Alger, il tente d'expliquer «l'idée du consensus» voulu par le pouvoir. Une idée qui, sans l'avouer, tend à faire entrer toute la classe politique dans le moule conçu sur mesure par les responsables du régime. Pas de place donc à d'autre initiative qui ne cadre pas avec l'objectif visé. Convoquée pour faire le point sur le déroulement des consultations sur la révision constitutionnelle, cette conférence a été exploitée par Ahmed Ouyahia pour signifier une fin de non-recevoir aux initiatives de l'opposition, qui demande un «changement du système». Dans ce sens, il souligne d'emblée que «le pouvoir est à l'aise». De ce fait, laisse-t-il entendre, il n'acceptera pas «la transition» exigée par une large partie de l'opposition. «L'Algérie d'aujourd'hui est un Etat aux institutions démocratiques et n'a nullement besoin de période de transition. L'option d'une période de transition brandie par ceux ayant préféré boycotter ces consultations se veut l'une des plus dangereuses formes d'opposition à l'appel de la présidence de la République à la participation au dialogue sur la révision constitutionnelle», lance-t-il. Faisant une lecture superficielle de la plateforme de la CLTD, initiatrice du premier sommet de l'opposition en Algérie, Ahmed Ouyahia qualifie même l'idée de transition de «contraire à la volonté populaire». «La transition défendue par les boycotteurs des consultations est un choix entre eux et le peuple algérien souverain et non pas seulement entre eux et le président de la République élu par le peuple», soutient-il. L'ancien Premier ministre ne se contente pas de critiquer la démarche de l'opposition ; il remet en cause même ses propositions, notamment l'appel lancé à l'armée pour jouer son rôle pour la réussite de la transition. Un appel lancé d'abord par l'ex-chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, avant d'être repris par d'autres partis. «L'ANP, digne héritière de l'Armée de libération nationale (ALN), assume une responsabilité constitutionnelle clairement définie et ne saurait être au service de manœuvres politiques», déclare-t-il. Brandissant ses propres chiffres, il doute même de la représentativité des participants à la conférence nationale de transition. Selon lui, les partis ayant répondu favorablement à son invitation «représentent 88% à l'APN et 90% des assemblées élues». «Mezrag et Sahnouni n'ont pas évoqué le retour du FIS» Après les critiques, Ahmed Ouyahia lance à nouveau un appel, au nom du président Bouteflika, à venir «dialoguer» dans le cadre de la démarche du pouvoir. Dans ce sens, Ahmed Ouyahia ne manque pas de saluer le geste du FFS qu'il qualifie, pour la première fois, de «doyen de l'opposition». Même si le FFS se défend d'être parti au siège de la Présidence pour «cautionner les consultations sur la révision constitutionnelle», il le comptabilise quand même comme «un acquis» témoignant du sérieux de la démarche du pouvoir. «L'attitude du FFS est civilisée et le pouvoir ne s'opposera pas à sa conférence pour un consensus national. Nous leur avons dit que la participation du pouvoir à cette conférence est difficile, mais les partis qui le soutiennent peuvent y prendre part», indique-t-il. Cependant, Ahmed Ouyahia ne se gêne pas pour tomber dans les contradictions. Tout en saluant toutes les rencontres de l'opposition, il dit que le pays n'a pas besoin de «conférences nationales». Dans la foulée, il se livre à un exercice d'autoévaluation de la démarche qu'il conduit actuellement : «Le pouvoir ne dialogue pas avec lui-même et la réalisation d'un consensus est possible. Le déroulement des consultations est positif.» La seconde question évoquée lors de cette conférence est la participation des anciens dirigeants du FIS dissous à la démarche du pouvoir et la réhabilitation de ce parti. La promotion au rang de «personnalités nationales» de l'ex-chef de l'AIS, Madani Mezrag et d'El Hachemi Sahnouni, dit-il, ne signifie pas retour du FIS. «Je vous confirme qu'il n'y aura pas de retour du FIS dissous. Madani Mezrag et El Hachemi Sahnouni n'ont pas évoqué cette question», assure-t-il, en esquivant une question sur un éventuel retour du FIS sous une autre appellation. Ce faisant, le directeur de cabinet de la Présidence défend les deux hommes qui ont joué, selon lui, un rôle que les dirigeants politique du FIS ont refusé d'assumer durant les années 1990 pour mettre fin à la violence islamiste.