Sur la multitude de syndicats d'enseignants, seul le Cnapest a adopté une position aussi radicale. La Coordination nationale des professeurs de l'enseignement secondaire et technique semble décidée à en découdre en une seule année scolaire. Ainsi, après avoir paralysé les lycées du pays durant plus de dix semaines, le syndicat revient à la charge en brandissant, ni plus ni moins, la menace qui consiste à perturber les corrections des épreuves des examens du baccalauréat. Les membres du CNAPEST, à moins de deux semaines du jour J, proposent deux alternatives, aussi néfastes l'une que l'autre. Soit ils gonfleront toutes les notes, ce qui aura pour conséquence la perte de toute crédibilité de l'examen national, soit ils feront traîner dans le temps les corrections, ce qui se répercutera nécessairement sur le palier supérieur, l'université, qui aura à affronter, dans les deux cas, une année 2004/2005 des plus terribles. Sur la multitude de syndicat d'enseignants, seul le Cnapest a adopté une position aussi radicale. En effet, l'autre organisation qui a fait parler d'elle lors de la grève qui a secoué le monde de l'éducation, la Coordination des lycées d'Alger (CLA), n'épouse pas cette démarche et préfère parler de discussion avec la tutelle sur la base d'un document de travail, actuellement en confection. La même approche est également soutenue par les autres syndicats du secteur, pour qui, l'essentiel est de finir sans trop de casse, une année scolaire des plus éprouvantes. Cependant, il y a lieu de constater qu'en termes de représentativité, le Cnapest, quoique non agréé est, de loin, l'organisation la mieux implantée dans les milieux des enseignants du secondaire. Aussi, les observateurs prennent très au sérieux les menaces de son premier responsable, Meziane Meriane, lequel, à travers ses déclarations «alarmistes» met les principaux concernés, les élèves, dans une situation de stress certain. En effet, la dernière sortie du Cnapest a de quoi inquiéter, du fait de la proximité de la date d'examen et surtout du flou qui semble entourer les négociations entamées avec le ministère de l'Education. En effet, l'opinion nationale ne sait plus ce que veulent les enseignants protestataires qui, après avoir rassuré la famille de l'éducation sur le sort de l'année scolaire, remontent au créneau et font peser une lourde menace sur l'un des plus importants examens nationaux. A ce propos, certains pédagogues n'hésitent pas à affirmer que le mal est déjà fait, quand bien même le syndicat n'aurait brandi ses menaces que dans le but de décrocher des concessions de la part de la tutelle. Le sentiment d'otages qu'éprouvent les élèves est dévastateur pour leur moral, retiennent en substance, les spécialistes qui relèvent le caractère «léger» de la démarche du Cnapest. A ce propos, un pédagogue approché par L'Expression n'a pas manqué de trouver une similitude entre la décision du Cnapest et celle prise par un syndicat d'enseignants français qui, lui aussi, a brandi, l'année dernière, la menace de gonfler les notes du bac en signe de protestation contre une réforme initiée par le gouvernement Raffarin. Le spécialiste en question a tenu à mettre en évidence la grande différence entre la situation des écoles algérienne et française. Si la seconde est l'une des plus performantes au monde, la première entame à peine une mutation qui se veut profonde. Aussi, il n'est pas besoin de relever la fragilité de l'école algérienne en pareille circonstance. Et s'engager dans un bras de fer aussi dangereux avec le ministère de l'éducation n'est certainement pas le meilleur service qu'on puisse rendre à l'école algérienne, d'autant que le premier responsable du secteur a, lui-même, reconnu la justesse des revendications des enseignants et affirmé qu'avec ou sans mouvement de protestation, toutes les préoccupations de la famille de l'éducation sont contenues dans la réforme de l'éducation qui ne peut se faire en un seul jour. En fait, l'empressement du Cnapest à vouloir tout et tout de suite relève d'une démarche qui ne peut déboucher sur rien de concret. Et menacer de nullité un examen aussi stratégique que le baccalauréat, c'est retarder la mise en oeuvre effective de la réforme de l'éducation. Un tel état de fait profite aux islamo-conservateurs qui demeurent à l'affût du moindre faux pas pour remettre en cause les acquis décrochés par l'école algérienne ces deux dernières années. En d'autres termes, une action irréfléchie risque de faire mal à tout le monde.