Le cafouillage pour la désignation du nouveau président de la chambre basse apparaît bien comme le dernier acte d'une pièce de théâtre qui a commencé avec le raz-de-marée du 8 avril. Comme toujours, à force de s'étirer en longueur, le drame finit en vaudeville, c'est-à-dire en queue de poisson. Bien heureusement d'ailleurs que le règlement fixe un délai de quinze jours pour la désignation d'un remplaçant au président de l'APN, après le constat de la vacance du poste du titulaire du perchoir par la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés, sinon on assisterait à des trémolos interminables dans les travées de l'hémicycle. Si le groupe parlementaire du FLN, déjà partagé entre redresseurs et pro-Benflis, n'arrive pas à trouver un consensus pour se mettre d'accord sur un nom, cela ouvrira l'appétit à une nuée de candidats et obligera à l'intervention d'une force extérieure, en l'occurrence la présidence de la République pour les départager. Une telle éventualité ne fera qu'affaiblir un parlement qui est censé incarner le pouvoir législatif, d'autant plus que les députés ont été élus par le peuple qui leur a confié une noble mission, celle d'édicter les lois du pays. Se mettre sous la coupe d'une autre institution revient à un renoncement par rapport à la confiance qui a été placée en eux par les électeurs. Et cela amène à revenir sur la dernière élection présidentielle et à tirer les deux ou trois conclusions qu'il faut. La première, c'est que la majorité des citoyens ont définitivement opté pour la stabilité des institutions et la continuité dans l'action de l'Etat, n'en déplaise aux amateurs du coup d'Etat permanent, à qui il plaît sans doute de vivre en eau trouble, alors que le pays est fatigué par dix ans de terrorisme et de crise multidimensionnelle. La deuxième est que le programme d'Ali Benflis, axé sur la modernité, la défense des libertés publiques et les exigences du troisième millénaire, est en avance par rapport à l'état du pays, marqué par un équilibre fragile entre les différentes forces et tendances. La troisième enfin, c'est que le vainqueur du 8 avril est le président de tous les Algériens. Il n'est plus ni le chef d'un parti ni même celui d'une alliance stratégique, dont on commence à voir les premières failles à propos justement de la désignation du remplaçant de Karim Younès qui a bien été poussé vers la porte. Le président du MSP, Bouguerra Soltani n'a-t-il pas postulé pour le poste de président de l'APN, en arguant justement de son appartenance à l'Alliance présidentielle? Toutes ces luttes sourdes et souterraines confirment qu'il n'y a pas de morale en politique. Seul le résultat compte. C'est la raison pour laquelle le petit peuple se détourne de ces querelles de chiffonniers pour l'accès au perchoir, ne s'intéressant désormais plus qu'à ce qui fait sa vie quotidienne : l'Aadl, le baccalauréat, le prix du pain, les criquets pèlerins, les coupures d'eau qui lui empoisonnent l'existence malgré le trop-plein des barrages.