Histoire d'une fracture de deux communautés, les espoirs réalisés et les espérances déçues. C'est au Centre international de presse (Théâtre de verdure, dans un petit coin aménagé en espace intérieur d'une maison qu'a eu lieu, avant-hier, le premier tour de manivelle du film Regard d'enfant, réalisé par Lamine Merbah dans le cadre de la commémoration du 50e anniversaire de la Révolution, avec le concours des ministères des Moudjahidine, de la Culture, de la Communication, de la Défense nationale, de la Télévision algérienne, l'aide de la wilaya de Tipasa, et de l'APC de Douaouda. La scène symbolique tournée: une famille écoute à la radio le discours du FLN, penchée sur la voix du speaker de la Radio libre durant la guerre de Libération. «C'est aussi un hommage qu'on rend à Aïssa Messaoudi, cet animateur de radio à l'époque», confie le réalisateur Lamine Merbah. Adapté du roman de Yves-Marie Renard, le film écrit par le réalisateur, raconte à travers le regard d'un enfant, l'histoire d'une famille qui vit sous le colonialisme, dans les années 58 et puis l'avènement de l'Indépendance et après... «j'avais huit ans, quand les hostilités ont commencé en Algérie et que l'option pour la lutte armée est devenue un mot d'ordre. J'en avais quinze, lorsque le drapeau algérien a flotté sur la ville. C'est donc avec le regard d'un enfant que j'ai vécu le drame algérien. Un enfant regarde et vit la guerre à sa façon, il n'en connaît pas tout à fait les causes, n'en perçoit pas le déroulement chronologique, ne comprend pas tout, mais il flaire ce qui change chez ses parents, ses amis, ses maîtres et ses voisins, puis il synthétise lentement le processus et finit par l'intégrer... bien sûr la radio et la presse rendaient compte des événements çà et là, mais à mon âge, ce n'est que sur les visages de ceux qui vous entourent que l'on peut deviner un malheur en marche... A coup sûr, la guerre a fractionné dans nos consciences, ce qui séparait les uns et les autres et les événements ont précipité la césure. D'un côté, il y avait les colons, ceux qui de longue date, détenaient avec arrogance un pouvoir sur les ''Arabes'', ceux qui n'hésitaient pas à nous dénommer ''bougnoules'' et qui possédaient en toute légitimité des terres immenses sans se soucier ni du processus d'acquisition ni des frustrations que leurs comportements engendraient... le plus épouvantable, c'est lorsque la mort vient frapper aux portes voisines et qu'implacablement, elle se rapproche de vous (...) Nacer Tarik est mort. Ils ont rapporté son corps cette nuit, il a la tête explosée», lit-on dans le synopsis du film appuyé d'extraits du roman. Original par le thème, on verra ce que cela donnera à l'écran. S'agissant de la distribution des rôles, on retrouve dans les personnages principaux, Chafia Boudraâ, yema Aïni qui n'est plus à présenter, Lynda Yasmine (la mère), Abdelkrim Béribère (le père) et Adel Fakir dans la peau de l'enfant narrateur. «L'enfant est le fil conducteur qui permet de montrer l'Algérie de cette époque, marquée par la fracture entre les deux communautés. Ensuite, ce gosse devenu adolescent (15 ans) vivra la liesse de cette Algérie libérée, puis les espoirs réalisés et les espérances déçues. Devenu adulte, il retournera dans son village natal et de déchirants souvenirs vont surgir...», explique Lamine Merbah. Ce film adopte la technique du flash-back. Cette oeuvre dont le coût de réalisation est estimé à 20 millions de dinars, est conçue sur la base de scènes de fiction et d'archives cinématographiques à caractère documentaire. Cependant, les scènes de torture et d'exactions ont été, selon Merbah entièrement reconstituées. Le tournage du film qui durera environ deux mois, se déroulera en grande partie à l'intérieur d'une maison à Douaouda. «La Aïni» replongera de nouveau dans l'atmosphère de guerre, qu'elle connaît et celle de post-indépendance...