«Le gouvernement examine la possibilité de faire appel à des forces internationales» a déclaré, hier, le porte-parole du gouvernement libyen, Ahmed Lamine. Une phrase lourde de sens et d'une portée difficile à définir. Certes, la situation est très confuse dans le pays depuis 2011. Ces derniers jours elle s'est aggravée par des combats de rue à Benghazi ainsi qu'à Tripoli, la capitale, entre des groupes armés se disputant le contrôle de l'aéroport depuis dimanche dernier. La situation est totalement incontrôlable. Même la mission de l'ONU en Libye (L'Unsmil) a décidé de retirer son personnel «pour des raisons de sécurité» par camions vers la Tunisie, vu que les avions ne peuvent plus décoller. Les combats se poursuivaient au moment où se tenait, lundi dernier, en Tunisie une réunion des Etats voisins de la Libye (Tunisie, Algérie, Soudan, Egypte, Tchad et Niger) qui essayaient de trouver ensemble une solution au chaos qui règne dans ce pays et qui menace l'ensemble de la région. A l'issue de la réunion, les six pays ont mis en place deux commissions, l'une pour les affaires sécuritaires et militaires présidée par l'Algérie et la seconde, présidée par l'Egypte qui s'efforcera de convaincre la classe politique libyenne ainsi que la société civile d'engager un dialogue national. Le ministre des Affaires étrangères libyen n'a pas pu prendre l'avion pour assister à cette réunion. Ceci dit, l' «appel à des forces internationales» évoqué par la Libye ne précise pas de quelles «forces» il s'agit. Il faut savoir que jusqu'à présent, la Libye s'était montrée inflexible quant au respect de sa souveraineté nationale. Il y a quelques jours, la Libye n'a pas hésité à accuser les Etats-Unis d'avoir porté atteinte à sa souveraineté après l'arrestation par les forces spéciales américaines, du chef terroriste du groupe Ansar Al-Charia, Abou Kattala, accusé dans le meurtre à Benghazi de l'ambassadeur américain, Christopher Stevens, le 11 septembre 2012. Auparavant, c'était la CPI (Cour pénale internationale) qui s'était vu refuser, toujours au nom de la souveraineté, le transfert à La Haye du fils de Kaddafi, Seif El Islam, pour y être jugé. Il faut ajouter pour être complet que l'idée de «faire appel à des forces internationales» ne date pas d'hier seulement. Le 5 février dernier, le ministre de l'Intérieur nigérien, Massoudo Hassoumi, avait exprimé le souhait de son pays «d'une intervention des puissances étrangères» dans le sud de la Libye qui constitue, selon ses propres termes, «d'incubateur des groupes terroristes». C'est cette idée qui a été reprise, hier, par le gouvernement libyen. Il faut aussi rappeler qu'elle a été émise avant que le président français, François Hollande, et le président américain, Barack Obama, ne signent une tribune dans les quotidiens Le Monde et le Washington Post où ils font du continent africain l'axe majeur de leur nouvelle alliance. Militairement, c'est la France qui est présente au Sahel, avec une coopération réelle avec les Américains qui fournissent l'aide logistique et notamment les drones. La déclaration libyenne manque de clarté sur les «forces étrangères». S'agit-il des forces de l'Otan qui reviendraient, comme l'a dit un observateur, «faire le service après-vente»? Ou bien seulement de la France, appuyée par les Etats-Unis, dans le cadre de son nouveau dispositif militaire «Barkhane» au Sahel? Le choix de ces forces est très important car le porte-parole libyen a précisé qu'il est attendu d'elles de «protéger les civils et les richesses de l'Etat... prévenir l'anarchie et l'instabilité... et aider l'Etat à construire ses institutions, notamment l'armée et la police». Ce qui suppose une présence étrangère sur le sol libyen à long terme. Le tout est de savoir à quelles forces étrangères pensent les officiels libyens. Une surprise n'est pas à écarter!