«Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse!» Alfred de Musset Les maux sont multiples. On ne sait pas toujours ce qui a précédé quoi. L'effet et la cause se sont enchevêtrés tellement qu'il est difficile de remonter à la source du mal. Mais on répète souvent, un peu comme si on voulait décharger certains de leurs responsabilités, que l'oisiveté est mère de tous les vices et qu'à force de regarder toujours le même horizon, on arrive à s'en lasser. Alors on se met à rêver à d'autres cieux, d'autres visages, d'une autre ambiance. Quelque chose de différent du triste mur auquel s'adosse l'adolescent mûri. Quelque chose d'autre. Mais le rêve n'est pas toujours facile d'accès. Il y a évidemment la poésie. C'est ce qui permet d'accéder gratuitement à d'autres cieux, d'autres plafonds sans effraction aucune. A la source, il y a bien sûr le manque de perspectives pour une jeunesse déboussolée qui se heurte au mur de l'indifférence. A côté, il y a un manque flagrant de loisirs:tout le monde n'a pas les moyens de prendre la voiture payée par les parents pour découvrir les trésors gâchés d'un pays où la politique du tourisme est douloureusement absente. Il y en a bien qui enfourchent leurs motos pour pétarader dans les quartiers endormis ou pour prospecter dans les complexes touristiques...mais cela aussi a un prix. Certains explorent indéfiniment les méandres des réseaux sociaux où l'ennui des uns se conjugue en même temps que celui des autres. Cela pourrait déboucher sur de la poésie...Mais, hélas, la poésie aussi suppose une prédisposition naturelle ou une éducation adéquate. Un candidat à un embarquement pour Cythère avec la muse ferait sourire plus d'un. Alors, pour rompre la monotonie des jours ou des soirs, l'oisif a recours à une méthode d'évasion facile. Non pas celle qui consiste à prendre un livre et à plonger dans une aventure rocambolesque, palpitante ou dans une méditation philosophique qui vous mène dans les méandres de l'utilité de l'être ou du non-être, ou dans le geste qui, jadis était machinal et qui consistait à chercher un film intéressant dans une salle obscure, climatisée et spécialement aménagée pour permettre aux jeunes amoureux d'échanger des amabilités à l'abri des regards indiscrets. Mais là encore, le livre coûte cher et les salles de cinéma sont fermées pour la plupart. Et puis, pas moyen de rencontrer celle qui accepterait de faire des brouillons de baiser dans un environnement aussi hostile... Alors, il reste la dive bouteille pour noyer sa tristesse. A l'époque, c'était aussi possible, car ce n'était pas cher et puis les bars étaient nombreux, propres et les terrasses des cafés étaient accueillantes. Mais hélas, les douktours» sont passés par là et ont frappé ces lieux d'alignement. Les impôts ont suivi le mouvement:l'alcool est la première victime du fisc et la bouée de sauvetage échappe des mains du noyé. Alors, le pauvre sujet, désorienté, n'avait plus le choix. Il se rabat sur le joint. Il est peu cher, il ne sent pas très fort, et surtout sa consommation n'est pas dénoncée du haut des tribunes d'où on avait l'habitude de lapider les alcoolisants. La proportion que prend le trafic de stupéfiants et de psychotropes devient alarmante. Il ne se passe pas un jour sans qu'on nous annonce une prise importante... Alors ce qui passe sous le nez des gabelous... Et pourtant, Baudelaire, qui avait pratiqué les paradis artificiels, n'a pas manqué d'avertir que le «soleil en bouteille» est moins assujettissant que le joint, mais derrière le joint, il y a toute une organisation, un cartel, une organisation économique avec des ramifications politiques qui se confondent souvent avec celles du terrorisme international et du grand banditisme. C'est pour cela que la lutte contre le trafic et la consommation des stupéfiants est difficile. Surtout dans les sociétés où le consommateur d'alcool est désigné comme l'ennemi public n° 1.