Les prétendants au poste d'émir national n'ont pas le profil. L'intronisation du futur émir national du Gspc tarde à venir, comme si le titre d'émir n'attire plus de convoitise. Même l'instance la plus écoutée, le conseil des sages, Ahl el hal oual akd, semble bloquer et peiner dans cette ultime étape. Traditionnellement, la désignation du successeur d'un chef déchu ou tué intervient dans les trois jours qui suivent, selon les référents religieux dont s'inspire la nébuleuse armée de manière générale. Or, depuis la neutralisation de Nabil Sahraoui, dernier émir connu du Gspc, l'émirat est resté vacant. Pourtant, cette vacuité devait provoquer une guerre sans merci entre prétendants. Il semble que celle-ci n'ait pas encore eu lieu, cette fois-ci. Cet état de fait pourrait s'expliquer par l'absence de prétendants au profil requis. Une semaine après l'élimination de Nabil Sahraoui, deux noms parmi les chefs terroristes affiliés au Gspc encore en activité, ont été avancés comme probables successeurs de l'ex-émir national. Il s'agit de Yahia Djouadi, émir zonal à la tête de katibet el feth, activant à l'est du pays, et Abri el Barra, un officier exégète aux commandes d'un groupe de deux cents éléments écumant un vaste territoire de la wilaya de Jijel. Les deux émirs n'ont, semble-t-il, pas fait l'unanimité après l'apparition de deux autres émirs, celui commandant la zone ouest connu sous le nom d'Abou Amar et Abou el Haytème, fort d'une cinquantaine d'éléments contrôlant la zone de Bouzegza. Depuis, silence radio. La vacance du poste d'émir est en somme un fait inhabituel eu égard aux traditions et pratiques qui ont toujours régi le fonctionnement de la nébuleuse armée. Un signe de l'état actuel du Gspc, ébranlé par les dernières pertes, démembré et désorganisé, au point d'être incapable de désigner celui qui pourrait freiner sa chute vertigineuse. Il se pourrait également que ce retard annonce la fin d'une épopée semblable à celles qu'ont connues ses prédécesseurs, le MIA et le GIA. Il serait cependant hasardeux d'annoncer prématurément la fin du Gspc. Elle le sera certes tôt ou tard, mais on assistera sûrement à une longue agonie. Des tentatives sont entreprises ici et là au niveau de la capitale, pour donner l'illusion que le Gspc possède toujours sa force de frappe, qu'il est capable de rebondir malgré les dernières pertes. Des petits groupuscules, détachés, continuent à mener des actions contre les forces de sécurité, la machine de propagande, par Internet interposé, tentera de maintenir cette image de «lutte pour la bonne cause», mais le Gspc de l'après-Nabil Sahraoui sera d'une tout autre nature et envergure, à l'image de ce qui est advenu du GIA après la neutralisation d'Antar Zouabri. L'autre scénario qui pourrait prendre forme est celui de la radicalisation de l'action armée. Celle-ci aura pour conséquence de provoquer une contre-réaction qui dépasse de loin la force de frappe de l'agresseur. Le récent attentat contre la centrale électrique d'El Hamma a eu un impact médiatique assez important. C'est ce qui intéresse présentement le Gspc. En parallèle, cette tentative de radicalisation à travers le recours à la voiture piégée et contre une cible d'importance stratégique et qui plus est, située au coeur d'Alger, a été suivie d'une réaction très rapide des services de sécurité. Quelques jours seulement après l'attentat, un important émir et son compagnon sont éliminés sur les hauteurs d'Alger. Les auteurs de l'attentat contre la centrale d'El Hamma seront identifiés aussitôt après. Reste alors l'option de la reddition, solution qu'écarte pour l'instant la direction du Gspc, refus motivé par des considérations «théologiques», mais surtout la crainte d'accélérer la décomposition de la formation sans pour autant en tirer les dividendes et avantages qu'une solution négociée pourrait leur assurer.