Ouyahia et Jettou devraient se rencontrer à Alger avant la fin de cette année. Après le court silence prudent qui avait accompagné le ballet diplomatique à Alger à propos du Sahara occidental, le Maroc vient de sortir de sa réserve. Son ministre de l'Information, également porte-parole de l'Exécutif, Nabil Benabdallah, a ainsi animé une conférence de presse ce jeudi à la suite d'un conseil de gouvernement, afin d'aborder publiquement et officiellement cette épineuse question. La sortie, qui semble avoir été soigneusement minutée, en vue d'apporter l'estocade finale depuis les déclarations de Paris, Madrid et Washington, s'est voulu être à mi-chemin entre la fermeté et la diplomatie, au moment où le ministre de la Défense espagnole se trouve à Rabat et que son homologue français, est attendu demain à Alger. Selon ce responsable marocain, en effet, «le règlement de la question du Sahara exige un dialogue clair et franc entre le Maroc et l'Algérie». Il ajoute que «le royaume est favorable à toutes les initiatives de pays frères et amis pour trouver une solution définitive et globale à cette question dans le cadre du respect de la souveraineté nationale». Ainsi, fort d'un soutien inespéré déployé par le trio Paris-Madrid-Washington, Rabat se montre attachée plus que jamais à ses exigences fleurant de loin l'esprit colonial des deux siècles passés. Benabdallah, en effet, poursuit pour mettre en avant «la disposition du royaume à oeuvrer pour un règlement définitif de ce dossier conformément à l'approche marocaine et dans le respect de son intégrité territoriale». Rabat continue donc, de supplier Alger de s'asseoir à la même table des négociations, mais uniquement dans le but d'abandonner les principes de respect de la légalité internationale et du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Comme si elle attendait ce signal fort de la part des pouvoirs publics, la presse marocaine, comme un seul homme, toutes couleurs politiques confondues, s'est déchaînée dans ses éditions d'hier, s'en prenant de nouveau à l'Algérie, accusée de «retarder le règlement de ce dossier», et claironnant fièrement le «décès» du fameux plan Baker portant autodétermination du peuple sahraoui sur une durée de cinq années. Lors même que les hebdomadaires, notamment Maroc-Hebdo, La Vérité et La Nouvelle Tribune, se gargarisent de l'excellence des relations entre Rabat et Washington et du soutien apporté par Bush à Mohammed VI lors de sa récente visite aux USA, les quotidiens, tels que El-Alam, L'Opinion, Aujourd'hui le Maroc, Assabah, Al Alam, Al Bayane, Libération, etc., s'accordent tous à souligner que «les vents du Sahara n'ont jamais été aussi favorables aux thèses marocaines». Allant jusqu'à se baser sur certains commentaires dépités lus dans la presse algérienne qui a suivi de près la visite à Alger de Barnier puis de Zapatero, pour souligner triomphalement que «les derniers développements annoncent, dans le cheminement du dossier du Sahara, une nouvelle étape où se rencontre la volonté des trois capitales (Paris, Madrid et Rabat, Ndlr) autour de la nécessité de régler le problème au plus vite, démarche qui ne peut évidemment aboutir qu'après paraphe officiel du certificat de décès du plan Baker». Depuis la démission de ce dernier, il est devenu clair que quelque chose d'important et de grave se préparait. Nous en avons aujourd'hui la confirmation puisque le caractère colonialiste du Maroc est en passe d'être imposé par la force au peuple sahraoui. Mais Rabat, qui donne l'air de craindre toujours le légalisme algérien que vient renforcer une longue histoire passée au service des peuples luttant contre l'oppression, annonce par la voix du porte-parole du gouvernement de Mohammed VI, qu'«une visite prochaine à Alger de responsables marocains pour des entretiens qui seraient centrés sur les questions d'intérêt commun, y compris la question de notre intégrité territoriale». Sur ce chapitre, notre pays qui refuse toute médiation, a officiellement confirmé la prochaine venue de Mohamed Benaïssa, chef de la diplomatie marocaine qui sera suivie de près par celle du chef du gouvernement, Driss Jettou. Ces rencontres bilatérales, sans doute celles de la dernière chance, tenteraient d'aplanir les graves divergences existant entre Alger et Rabat avant que n'expire le mandat de la Minurso et que le trio Paris-Madrid-Rabat n'impose par la force une quelconque «solution» aux conséquences tout simplement dramatiques pour toute la région, mais combien souhaitées par les tenants du terrorisme international, toujours en quête de nouveaux foyers de tension en vue de s'y implanter durablement et d'y planifier de grands attentats visant les quatre coins de la planète.