Grosse interrogation hier à Alger : le chef du gouvernement ira-t-il en visite officielle au Maroc ou n'ira-t-il pas ? Le doute s'est installé après les propos d'Ahmed Ouyahia tenus jeudi au sortir du débat sur la déclaration de politique générale au Conseil de la nation. « Qui a parlé de cette visite ? Jusque-là, il n'y a pas d'annonce officielle. Donc, laissons au temps le temps », a déclaré, énigmatique, le chef du gouvernement, repris par la presse. Il a ajouté que si visite il y a, elle sera annoncée en temps opportun. Il est vrai qu'à ce jour aucune annonce officielle de la part du gouvernement algérien n'a été faite à propos de cette visite au royaume voisin. Visite évoquée par Mohammed Saïd Benryane, ambassadeur du Maroc à Alger, lors d'une conférence publique à Alger le 6 juin dernier, au siège de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité (CCFC). « Il s'agit d'une visite éminemment politique qui servira au cadrage politique du processus vers plus de sérénité et de confiance », a déclaré le diplomate. Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République et ex-ministre des Affaires étrangères, a confirmé l'information. « Belkhadem a fait cette déclaration dans le cadre de ses prérogatives de ministre d'Etat », a dit Ouyahia. Contacté hier, Abdelaziz Belkhadem maintient ses propos. « La visite aura lieu. Elle s'inscrit dans le cadre des relations bilatérales », a-t-il déclaré. Il n'a pas voulu commenter les propos du chef du gouvernement. Au ministère des Affaires étrangères, on nous a annoncé que ce genre de visites se prépare par les services du chef du gouvernement. Au niveau de ces mêmes services, on a ni confirmé ni infirmé l'information de la visite. « En l'absence d'un communiqué officiel, rien ne peut être dit sur cette visite. Et puis, on n'annonce pas une visite de ce type une semaine ou plus à l'avance », nous a-t-on déclaré. A Rabat, le palais royal a confirmé la venue d'Ahmed Ouyahia. Jeudi 9 juin, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement marocain, Nabil Benabdellah, a, repris par les agences de presse, annoncé que M. Ouyahia sera accompagné d'une délégation ministérielle composée, entre autres, du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, et du ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni. De sources diplomatiques, nous avons appris que la visite d'Ouyahia (qui se déplace rarement à l'étranger en tant que chef du gouvernement) au Maroc était prévue de longue date. Elle devra mettre le point sur l'évolution des dossiers de coopération examinés depuis des mois par les commissions mixtes. La question de la réouverture des frontières terrestres entre les deux pays, au cas où la visite d'Ouyahia serait confirmée, ne sera pas abordée. Cela dit, les relations entre Alger et Rabat traversent une zone de turbulences. Situation liée principalement au dossier du Sahara-Occidental. Comme à son habitude, la presse marocaine s'illustre par des articles mettant en cause Alger. Dernier en date cet article d'Aujourd'hui Le Maroc qui a cru voir « la main d'Alger » derrière l'attentat meurtrier dans une caserne militaire en Mauritanie. « Qui aurait vraiment intérêt à s'en prendre à la Mauritanie à un moment où l'Algérie se militarise à tour de bras et maintient coûte que coûte son projet de créer un État-croupion au Sahara dans l'objectif inavoué de réaliser son obsession de faire tomber le régime marocain ? », s'est interrogé le journal. Au-delà des supputations journalistiques, les observateurs remarquent que l'évolution des relations entre les deux pays suit le tracée de vagues incertaines. Depuis le dernier tête-à-tête entre le président Bouteflika et le roi Mohammed VI, tenu en marge du sommet arabe à Alger en mars 2005, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Et la visite éventuelle du chef du gouvernement algérien à Rabat devrait donner un autre cours aux relations bilatérales. Même si Driss Jettou, Premier ministre marocain, annoncé plusieurs fois à Alger, n'est pas encore venu.