Dans la lignée de Miles Davis et John Coltrane, Archie Shepp, célèbre saxophoniste américain, révolutionne de son côté le monde du jazz. D'un côté, Eric Le Lann à la trompette, de l'autre, Archie Shepp au sax, le duo forma un heureux mariage de sonorités free jazz à la 9e édition du festival de jazz, qui a élu récemment domicile à Tabarka (du 2 au 10 juillet). L'after-show faisant place à la coutumière conférence de presse, Archie un peu fatigué nous parle d'Afrique, d'injustice dans le monde, de son combat, de ses idéaux... son jazz! L'Expression: M.Archie Shepp, peut-on dire que votre jazz est engagé dans la mesure où vous parlez de révolution et à quelle révolution faites-vous allusion? Archie Shepp: Je parle des gens qui sont opprimés. De la classe ouvrière qui n'a plus d'espérance, de la révolution des gens qui manquent d'espoir, de vie meilleure... Vous militez pour les Africains dans leur terre... Il ne faut pas simplifier. Je ne milite pas pour l'africanité, mais pour le recouvrement des droits de tout le monde, comme en Palestine par exemple, au Rwanda mais pas qu'aux Etats-Unis. Je milite contre l'exploitation économique, sociale, raciale, le chômage. Il y a beaucoup de SDF... La vie est dure. Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. La révolution est notre raison d'être. Comment définissez-vous le terme jazz? La nouvelle génération de musiciens lui a imputé une nouvelle forme d'expérience. Je suis embrouillé en fait par le mot: jazz. Moi, je parle de musique afro-américaine, je peux parler de James Brown, de Paul Robinson, de cet continuum, de ces musiciens qui cherchent à s'exprimer... le mot jazz a été créé par des Blancs comme le mot kleenex ou Mantalo comme une marchandise... Au début, le mot jazz voulait dire faire l'amour. On lui trouve des milliers de définitions dans le dictionnaire... Comment a-t-il évolué? La musique noire a évolué partout aux Etats-Unis, au temps de l'esclavage, c'était une musique de chant et de danse. Après, ils ont eu la chance de s'exprimer avec des musiciens occidentaux, des instruments comme le saxophone. Au départ, la musique noire était basée sur la voix. Le jazz a débuté quand les Noirs ont commencé à toucher aux instruments, tels les cuivres. Le jazz est aujourd'hui mêlé à d'autres styles de musiques. On appelle cela justement le jazz-fusion. Qu'en pensez-vous? Je comprends ce que vous voulez dire, mais la fusion est un aspect de la musique noire. On peut y trouver du synthé, des instruments électroniques, des keybords mais à la fin, c'est la même formule qu'on retrouve à la Nouvelle-Orléans. Il y a la basse, le piano et la batterie et un soliste qu'il soit chanteur ou musicien donc, la musique qu'on joue aujourd'hui garde toujours la même base. Que ce soit dans le jazz ou pas, chaque musicien peut à travers cette musique revendiquer son identité. Cette musique est particulière dans le sens où sa forme, ses gammes, ses rythmiques, le hand claping, toutes ces choses sont des éléments importés d'Afrique et qui existent toujours. Pour avoir son style propre, original, il faut être capable de jouer tous les styles. Que pensez-vous des Blancs qui jouent aujourd'hui du jazz, cette musique au départ africaine? Tant mieux pour eux s'ils ont bien profité de ma culture. En revanche, les gens noirs n'ont pas beaucoup profité de leur culture. Là, il y a une contradiction...