Depuis la démission «mystérieuse» de James Baker de son poste de représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, l'Algérie a enregistré un véritable ballet diplomatique. Les visites synchronisées de diplomates américains, français et espagnols au cours des trois derniers mois dénotent des enjeux géostratégiques que représente ce conflit vieux d'une quarantaine d'années. Cependant, à l'inverse des Etats-Unis qui, paradoxalement, privilégient la légalité internationale, la France et le nouveau gouvernement socialiste espagnol soufflent le chaud et le froid. Pour cause : au lieu de s'en tenir au référendum d'autodétermination au Sahara occidental, Paris et Madrid coordonnent leur action à travers un subtile partage des rôles pour imposer une nouvelle résolution de l'ONU. D'autant plus que trois mois seulement nous séparent de l'achèvement du mandat de la Minurso au Sahara occidental. Une occasion que les «avocats» de Rabat mettront à profit pour imposer leur nouveau plan de règlement du conflit du Sahara occidental. Un conflit qui consiste en un dialogue direct entre les belligérants d'une part et l'Algérie et le Maroc de l'autre. Une approche pas catholique qui a fait sortir le chef de la diplomatie algérienne de sa réserve. «Le dialogue n'a jamais été interrompu entre l'Algérie et le Maroc» avant de préciser que pour ce qui est du problème du Sahara occidental, le dossier doit être traité dans le cadre de l'ONU et conformément à la légalité internationale. Or, l'initiative franco-espagnole tendant à réunir un consensus entre les parties, notamment le Maroc et le Front Polisario, n'a aucune chance d'aboutir, surtout si elle s'inscrit dans le cadre de l'ONU et du principe d'autodétermination du Sahara occidental. Pourquoi? parce que les autorités de Rabat seront les premières à ne pas reconnaître cette initiative. D'ailleurs aussi bien le ministre français des Affaires étrangères que le président du gouvernement espagnol sont convaincus qu'«un plan ne sera efficace que s'il bénéficie de l'appui de toutes les parties» en rappelant les nombreuses années d'échec qu'a connues le processus de règlement, allusion faite au plan de Cuellar, au plan Baker et aux accords de Houston. M.Belkhadem a toutes les raisons de suspecter une «sympathie franco-espagnole» par rapport au dossier sahraoui. D'abord pour leur passé colonial dans la région, et ensuite en raison des dernières déclarations des chefs de la diplomatie des deux pays, en l'occurrence MM.Barnier et Moratinos qui évoquaient une initiative au Maghreb, dont le principal objectif est de régler le conflit au Sahara occidental, dans le cadre d'un accord entre Alger et Rabat. Une proposition que les autorités algériennes ont aussitôt rejetée, ne se considérant pas partie prenante du conflit. Aussi, faut-il le noter, le «cafouillage» entre le président du gouvernement espagnol et son chef de la diplomatie concernant le dossier sahraoui, est révélateur d'un manque de coordination au sein même du gouvernement espagnol. En effet, après les déclarations de M.Moratinos en faveur d'un dialogue direct entre Alger et Rabat, José Luis Zapatero a rectifié le tir à l'occasion de sa conférence de presse de mercredi dernier. Réponse du berger à la bergère, le président du gouvernement espagnol avait estimé qu'un plan de paix au Sahara occidental est possible à condition que celui-ci obtienne l'aval des parties en conflit. Il citera le Maroc, le Front Polisario, la France, l'Espagne... et l'Algérie, «si elle le désire» La position du chef du gouvernement espagnol a été sévèrement critiquée par les partis politiques et la presse ibériques, à l'image du journal El Mundo qui considère que M.Zapatero «a effectué à Alger un virage à 180 degrés dans la politique espagnole» à l'égard de son ancienne colonie. Cette attitude nouvelle, selon la presse espagnole, n'est pas acceptée par Alger et par les Sahraouis qui craignent la constitution d'un axe Madrid-Paris, soutenant la position de Rabat, décidé à maintenir sa souveraineté sur ce territoire. Pour sa part, la gauche espagnole a annoncé qu'elle demandera un débat parlementaire parce que M.Zapatero «oublie les droits des Sahraouis». Il est reproché en effet au nouveau président du gouvernement espagnol la remise en cause d'une position de principe défendue par son prédécesseur José Maria Aznar, à savoir le soutien du plan des Nations unies pour le règlement du conflit du Sahara occidental. Par ailleurs la suspicion de collusion entre Paris et Madrid d'une part et entre ces deux pays et le royaume cherifien de l'autre, n'est pas à exclure. Selon le ministre sahraoui pour l'Europe, Mohamed Sidati, «l'Espagne n'a pas aujourd'hui de politique extérieure indépendante, mais une politique qui est sujette à ce que fait la France. Nous sommes revenus à un axe Paris-Madrid-Rabat».