A la moitié du quinquennat de François Hollande, dont la popularité reste au plus bas, et alors que la France connaît une croissance atone, le projet de loi de finances a été élaboré sous la pression de la Commission européenne. Le torchon brûle entre le Parti socialiste au pouvoir en France et ses «frondeurs» de gauche, parmi lesquels trois anciens ministres, qui ont franchi le rubicond en refusant d'avaliser la partie recettes du budget 2015 adopté à une courte majorité mardi soir. L'abstention de 39 députés socialistes partisans d'une réorientation de la politique économique, parmi lesquels les anciens ministres Aurélie Filippetti (Culture), Benoît Hamon (Education) et Delphine Batho (Ecologie) a mis en fureur l'exécutif. «Il y a des devoirs quand on est dans une majorité. La question budgétaire est essentielle. Donc il y a un manquement au devoir», a réagi hier le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll sur les médias RMC et BFMTV. Le chef du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis est allé plus loin en jugeant «déplorable» et «pas loyale» l'attitude d'Aurélie Filippetti et Benoît Hamon, qui «avaient accepté les arbitrages (budgétaires) au mois de juillet» avant de quitter le gouvernement. «Ceci pose un problème éthique», a estimé M.Cambadélis. «Ce n'est pas loyal par rapport à son camp, ce n'est pas une bonne image par rapport à la politique». Aurélie Filippetti et Benoît Hamon ont quitté le gouvernement de Manuel Valls le 25 août, en solidarité avec Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie limogé pour avoir critiqué l'orientation sociale libérale de l'exécutif. Delphine Batho, elle, avait été débarquée en juillet 2013 pour avoir jugé le budget de son ministère insuffisant. «Je n'ai aucune leçon à recevoir de qui que ce soit», a répliqué Aurélie Filippetti sur la chaîne iâTELE. «Je dois des comptes à mes électeurs et aux Français», a-t-elle ajouté, soulignant que ce qu'elle avait approuvé en juillet était la partie dépenses du budget et non la partie recettes. Celle-ci a été adoptée par 266 voix contre 245 et 56 abstentions. Le vote final sur le budget 2015 interviendra courant novembre. A la moitié du quinquennat de François Hollande, dont la popularité reste au plus bas, et alors que la France connaît une croissance atone, ce projet de loi de finances a été élaboré sous la pression de la Commission européenne. Il prévoit 21 milliards d'euros d'économies (dont 3,7 milliards de baisse de dotations aux collectivités locales partiellement compensée par une aide aux investissements). Construit sur l'hypothèse d'une croissance à 1% en 2015, jugée «fausse» par l'opposition de droite, le texte prévoit un déficit public en légère baisse à 4,3% du PIB, repoussant de deux ans à 2017 le retour au plafond de 3% fixé par Bruxelles. Les «frondeurs» critiquent des économies faites «à l'aveugle» touchant les catégories les plus modestes. La politique de l'exécutif «menace la République» car «elle réduit les capacités d'intervention de la puissance publique», a lancé Benoît Hamon hier sur Radio France Internationale. Et l'ancien ministre a joué les Cassandre en prédisant pour la prochaine élection présidentielle en 2017 «un immense désastre démocratique» avec la menace d'une victoire de la candidate d'extrême droite Marine Le Pen. Les «frondeurs» dont l'acte de naissance a été le refus de voter la confiance à Manuel Valls le 8 avril ont été confortés par le retour sur scène d'une ténor de l'ancienne numéro un du Parti socialiste Martine Aubry, qui a demandé une réorientation de la politique économique du gouvernement. Plutôt discrète depuis le début du quinquennat du président Hollande, la maire socialiste de Lille (nord) a plaidé dans un entretien au Journal du Dimanche pour «une nouvelle social-démocratie», un projet qui n'est «ni le libéralisme économique, ni le social-libéralisme». «J'espère que la prise de conscience sera là, que le débat aura lieu», a-t-elle déclaré. «En tout cas, plus on sera nombreux à le dire à gauche (...) plus on aura une chance d'être entendus». Figure de gauche et membre du Bureau national du PS Gérard Filoche a provoqué un autre scandale pour avoir traité de «suceur de sang» le patron du groupe Total Christophe de Margerie, mort lundi soir dans un accident d'avion à Moscou.