Les mesures prévues, contenues dans un document dont nous avons copie, peuvent mettre le holà aux pratiques délictueuses «monnaie» courante sous nos cieux. Le conseil de gouvernement, qui s'est réuni mercredi soir sous la présidence d'Ahmed Ouyahia, a adopté un avant-projet de loi de la plus haute importance relatif à la «Lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme». Le document, dont nous avons obtenu copie en exclusivité, introduit une véritable «révolution» dans les «moeurs» financières qui ont de tout temps caractérisé le comportement aussi bien des particuliers que de la plupart des entreprises privées algériennes. Le communiqué rendu public ajoute que l'avant-projet de loi vient apporter le cadre global à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme en y introduisant les définitions et principes contenus dans la convention internationale en la matière. Pour revenir au projet de loi lui-même, le document, véritable concentré de mesures, toutes plus incisives les unes que les autres, s'étale sur tout juste 37 articles. Ces derniers achoppent sur cinq grands volets. Dans son exposé des motifs, il est mis en avant les raisons qui ont fait que ces deux phénomènes ont été «traités» dans une même loi. «Le blanchiment d'argent est étroitement lié au financement du terrorisme et contribue à perpétuer le nombre et la gravité des actes de terrorisme au plan international», peut-on en effet lire. Douanes et impôts sont mis à contribution en vue d'enrichir la «banque» de données de cette cellule dont le rôle, s'il ne venait pas à être dévoyé, comme c'est bien souvent le cas sous nos cieux, contribuerait grandement à mettre le holà au «blanchiment d'argent», monnaie courante en Algérie, mais aussi à venir à bout du secteur informel, lequel accapare près du quart du produit national brut sans rien apporter de concret au Trésor public, ni à la communauté, comme l'a souligné le dernier rapport du Cnes, dont nous avions fait état en primauté, il y a de cela près de deux mois. La cellule de traitement du renseignement fi-nancier, chargée de recevoir les «déclarations de soupçons», centralisera également à son niveau «tous les renseignements ou indices permettant d'établir l'origine des fonds ou la nature réelle des opérations faisant l'objet de la déclaration». Elle a pour pouvoir de bloquer durant 72 heures toute opération jugée délictueuse. De très larges prérogatives, en outre, sont octroyées à la Banque centrale, aussi bien dans le but d'éviter les «dérives» qui avaient caractérisé l'ouverture du marché algérien, que pour prévenir les immanquables «dérapages» accompagnant tout passage d'une économie dirigée à une économie de marché. Ainsi, si une infraction est constatée, et qu'elle a été couverte par quelque organisme financier, «la commission bancaire ouvre, en ce qui la concerne, une procédure disciplinaire à l'encontre de la banque ou de l'établissement financier dont la défaillance ou la carence dans l'organisation de ses procédures internes de contrôle en matière de déclaration de soupçon, ont été établies». Pour ce qui est du mouvement des capitaux, étroitement lié au blanchiment d'argent et, accessoirement au financement direct et indirect du terrorisme, des règles claires et simples doivent désormais être de mise. Ainsi, l'article 5 de ce projet prévoit-il que «tout transfert vers l'étranger ou en provenance de l'étranger, de fonds, titres ou valeurs, doit être effectué par une banque, un établissement financier, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur». L'article suivant ajoute que «tout paiement d'un montant supérieur à un seuil fixé par voie réglementaire doit être effectué par les moyens de paiement à travers les circuits bancaires et financiers». Le conseil de gouvernement a, en outre, examiné et en première lecture un avant-projet de loi modifiant et complétant l'ordonnance numéro 75-58 du 26 septembre 1975 portant code civil, présenté par le ministre de la Justice, garde des Sceaux. Les amendements proposés tendent à adapter ce texte au processus de réformes en cours dans le pays et notamment au plan économique et social, tout comme ils ont pour objectif d'adapter la législation au processus d'ouverture sur l'environnement économique international. Une pareille entrée en matière signifie à coup sûr une préparation, tant légale que psychologique, en vue des amendements profonds devant également être apportés au code de la famille avant la fin de cette année.