Le travail informel est une plaie qui gangrène le tissu économique national. D'après un contrôle (échantillon national) effectué en 2003, il a été constaté que 34,8% des travailleurs ne sont pas déclarés à la sécurité sociale. Selon le ministre du Travail, M.Tayeb Louh - qui a improvisé, hier au siège de son département, un point de presse en marge du regroupement des inspecteurs du travail des régions d'Alger, Blida et Boumerdès - la faille réside dans «le peu de moyens dont disposent les services du contrôle». Une explication qui contraste extrêmement avec les vraies raisons de cet état de fait, puisque les infractions se signalent tous les jours que Dieu fait. Les journalistes présents n'ont pas manqué de relever «le laxisme» des instruments de contrôle, citant à l'appui l'anarchie qui déstabilise la corporation en ce sens. Une consoeur a relevé l'incompréhensible fait qu'il y ait «des journaux apparaissant quotidiennement sans qu'aucun de leurs employés ne soit déclaré» . Et au ministre de répondre que les instruments de contrôle «ont accompli normalement leur mission» et que beaucoup d'infractions «ont été sanctionnées». Ce qui est loin d'être le cas. Coupant court à la polémique, Louh a promis «la réorganisation de tout le système de contrôle» pour «en plus de la lutte contre le travail informel, faire respecter les lois de la République.» Mais au delà des promesses et de l'optimisme - parfois outré - la situation est réellement préoccupante. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Sur plus de 188.000 entreprises privées, seul 612.000 employés figurent sur les registres de la sécurité sociale. Dans certains cas, les instances compétentes «ignorent» carrément que des entreprises productives sont en service. Autre volet inquiétant, les requêtes individuelles déposées au niveau du bureau de conciliation. De l'aveu même de Louh, la quasi-totalité des litiges demeurent encore en suspens. Les employeurs ne font aucun cas de ce bureau censé rétablir l'employé dans ses droits. Ses décisions sont foulées aux pieds du moment qu'elles sont synonymes de simples formalités sans effet coercitif palpable. A ce stade de laisser-aller, le plaignant n'est pas en mesure de saisir la justice attendant obligatoirement la délivrance via ledit bureau du certificat de non-conciliation. Aussi, la délivrance du certificat de conciliation ne signifie aucunement le bout du tunnel. Ainsi, la loi 90-11 ne tranche point sur l'aspect relatif à la réintégration de l'employé plaideur au cas où il aura gain de cause. Les problèmes des sous-déclarations ainsi que le travail illégal des étrangers venant essentiellement de l'Afrique subsaharienne, semblent - mêlés à toutes ces infractions - comme des préoccupations accessoires. Et comme ultime échappatoire, Louh a levé le voile sur le rôle peu performant de l'administration tout en lavant plus blanc, au passage, son ministère. La rétention de l'information économique et le manque de coordination avec les autres organismes publics ont été les griefs retenus par le ministre contre l'administration nationale. Et qu'en est-il lorsque la non-fermeté de cette dernière se conjugue avec la défaillance des instruments de contrôle de l'inspection du travail? En sus des agréments causés aux travailleurs, c'est toute l'économie nationale qui en prend un coup sérieux avec un manque à gagner considérable et l'accentuation du phénomène de la concurrence déloyale.