La crise des otages s'envenime avec l'exécution de deux Pakistanais au moment où la conférence nationale est remise, à la demande de Kofi Annan. Annoncée pour aujourd'hui, la Conférence nationale irakienne, qui devait entamer le processus de mise en place des institutions intérimaires devant rétablir la souveraineté du pays et ouvrir la voie à un pouvoir légitime, est reportée de quinze jours à la demande du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui adressa une lettre dans ce sens à la commission préparatoire. Dans une déclaration aux agences de presse, le porte-parole de la commission préparatoire Abdel Halim Al Rouhaïmi, a en effet indiqué: «Nous avons reçu une lettre du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dans laquelle il a demandé qu'on reporte la conférence nationale». M.Al Rouhaïmi ajoute: «Dans sa lettre, il (M.Annan) note que certains partis ont affirmé ne pas vouloir participer à ce processus et il demande du temps pour persuader ces partis». Il s'agit en fait des chiites, les radicaux de Moqtada Sadr, ou les modérés du Conseil de la Révolution islamique en Irak (Csrii), qui contestent la manière avec laquelle a été fait le choix des délégués, 1000 participants, devant prendre part à la conférence. Ainsi, Moqtada Sadr avait d'ores et déjà annoncé que son groupe boycotterait la tenue de cette conférence. Sans aller jusqu'au boycott, le Csrii avait également vertement critiqué la commission préparatoire. De fait, M.Annan souhaitait que soient associés à cette rencontre le plus possible de partis et de personnalités irakiennes pour que la conférence soit la plus représentative possible des forces sociales et politiques en Irak. Cela, d'autant plus qu'un expert de l'ONU, Jamel Benomar, avait averti qu'il ne fallait pas précipiter les choses, préconisant au contraire un report de quelques jours. Il indiqua en effet: «Cette conférence n'est pas une mince affaire. C'est compliqué et cela nécessite un effort spécial. Il ne serait pas mauvais de la retarder». Kofi Annan a ainsi suivi les recommandations de l'expert de l'ONU en demandant à son tour le report de la conférence. Alors que les Irakiens préparaient leur conférence nationale, la crise des otages s'est aggravée avec l'exécution, confirmée hier, de deux otages pakistanais, au moment où un otage indien est sous la menace du même sort. La mort des deux Pakistanais porte à quatre le nombre des otages exécutés lors des dix derniers jours, avec l'égorgement, le week-end dernier, de deux otages bulgares. Hier, quatre Jordaniens et deux Syriens, tous des chauffeurs de camions, ont été kidnappés ce qui porte à une vingtaine le nombre de personnes ravies ou portées disparues. Hier, tous les efforts des médiateurs tendaient à faire surseoir la menace d'exécution pesant sur la vie d'un des trois Indiens kidnappés en début de semaine, en même temps que trois Kenyans et un Egyptien. Après le groupe Al Tawhid wal Jihad du Jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui, et «l'Armée secrète islamique-Brigades des Drapeaux noirs» voici apparaître un troisième groupe qui a revendiqué le kidnapping des quatre Jordaniens le «groupe de la mort». Les revendications sont-elles authentiques? Aucun fait n'a pu l'établir hier. En revanche, ce qui est certain c'est que les différents groupes, qui sèment la mort en Irak, multiplient les communiqués que les chaînes satellitaires, Al-Jazira, Al-Arabiya ou Dubaï Télévision, se font un «devoir» de diffuser et de leur donner une large portée. De fait, la confusion est totale en Irak et la multiplication des intervenants dans les affaires de kidnapping conforte l'anarchie ambiante qui règne au pays des Abbassides. C'est dans ces graves moments d'instabilité, marqués par le report de la Conférence nationale, la recrudescence de la violence - les forces multinationales ont bombardé hier la ville rebelle de Falloujah occasionnant la mort de 13 personnes et en blessant treize autres - et la multiplication des kidnappings, que le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, faisait hier une visite surprise à Bagdad, la troisième en moins d'un an. D'emblée, le chef de la diplomatie américaine affirma la détermination des Etats-Unis à «surmonter» les difficultés que l'Irak affronte, indiquant, devant la presse: «Nous allons faire face à des défis dans les semaines qui viennent et nous sommes résolus à les surmonter» au sortir d'un entretien avec le président intérimaire, Ghazi Ajil Al Yaouar, ajoutant: «Je réaffirme notre détermination et notre engagement à continuer à travailler avec le gouvernement intérimaire alors qu'il s'attache à bâtir la démocratie sur les principes de la liberté et des droits de l'homme en Irak». Cette arrivée impromptue de M.Powell à Bagdad, met surtout en exergue le fait que la situation sécuritaire échappe totalement au gouvernement intérimaire irakien.