Le procès tant médiatisé et reporté une première fois, le 7 juillet dernier, n'aura finalement pas livré tous ses secrets. Les journalistes qui étaient venus en force, hier, au tribunal criminel près la cour d'Alger pour suivre le déroulement du procès sont restés sur leur faim. Poursuivis pour plusieurs griefs, notamment appartenance à groupe armé et assassinat avec préméditation, les neuf personnes arrêtées en 1999, dont l'assassin présumé d'Abdelkader Hachani, Fouad Boulemia, condamné déjà à la prison à vie pour ce meurtre, ont récusé toutes les accusations. Les neuf inculpés, dont une femme, accusée d'avoir dissimulé chez elle un fusil de marque Seminov, ont nié en bloc tour à tour toutes les accusations. Les membres du groupe, accusés également d'avoir pris part aux massacres de Bentalha et Raïs en 1997, avaient, semble-t-il, accordé leurs violons, avant même d'entrer dans la salle d'audience. Les accusés parleront tous comme un seul homme. Ils reviendront même sur leurs aveux tout au long du déroulement du procès, des aveux pourtant cosignés noir sur blanc sur des procès-verbaux établis lors de l'instruction de l'affaire par le juge. Au moment où des inculpés soutenaient qu'ils ont fait des déclarations sous l'effet de la torture d'autres affirmaient mordicus qu'ils ne se souviennent même pas avoir dit un mot à propos de leur appartenance à un quelconque groupe armé. L'assassin présumé de Hachani, qui avait fait des aveux complets lors de son audition en 2001 par le juge d'instruction à propos de son implication dans le massacre, s'est rétracté et a déclaré à la barre être dans les parages immédiats du lieu du drame mais a soutenu qu'il n'a jamais pris part aux exécutions ni au viol des femmes. «J'étais, avant mon arrestation, chargé de collecter seulement des informations. D'ailleurs, je m'apprêtais à me rendre aux ser-vices de sécurité pour bénéficier de la loi sur la concorde civile», affirmera-t-il. Cela a bien évidemment soulevé l'ire du président du tribunal qui a reproché à l'inculpé de ne se souvenir que de ce qui l'arrangeait seulement. Imperturbables, sereins, les éléments du groupe, détenus depuis plus de quatre ans, se permettaient même de temps à autre de larges sourires. A 13h, le président du tribunal décide de suspendre l'audience pour une heure. Après la reprise du procès, le ministère public se prononce. Il requiert la perpétuité pour Fouad Boulemia et deux autres accusés ainsi qu'une peine d'emprisonnement de dix années pour cinq autres et enfin la réclusion criminelle pendant cinq ans pour la femme. La réplique de la dizaine d'avocats qui assuraient la défense du groupe ne s'est pas fait attendre. Dans sa plaidoirie, Me Khamis, qui assure la défense de Fouad Boulemia, ira jusqu'à dire que son client est absout de tous les crimes dont il est accusé aujourd'hui, puisqu'il n'existe pas de partie civile. Tour à tour, les avocats du groupe terroriste se sont succédé à la barre pour défendre tant bien que mal leurs clients. Les uns clamaient la clémence, les autres ont mis l'accent et tout leur tact pour battre en brèche toute la procédure judiciaire. A noter qu'une demi-douzaine de témoins ont été appelés à la barre, mais aucun d'eux n'apportera vraiment du nouveau à cette affaire. Les témoins, également des proches ou des amis des accusés, présenteront ces derniers comme des gens irréprochables. Les deux massacres qui ont défrayé la chronique et provoqué une immense douleur dans le pays en 1997, attendront encore, semble-t-il, d'être complètement élucidés.