Un lourd dossier de contentieux reste encore en suspens. La décision de Rabat de procéder à la suppression des visas pour les Algériens n'a pas été suivie de l'engouement de l'autre partie. Alger envisage évidemment de rouvrir les frontières, mais à ses conditions. Car n'oublions pas que la fermeture des frontières est intervenue de façon brusque, à la suite de la détérioration des relations entre les deux pays. Les attentats de Marrakech, en 1994, ont été décodés par les services spéciaux de Sa Majesté comme étant une tentative de déstabilisation orchestrée par les renseignements algériens. Immédiatement, cela avait été suivi par la décision d'instaurer dorénavant un visa d'entrée pour les ressortissants algériens. Alger riposta par la fermeture des frontières ouest. En fait, la décision d'Alger était très douloureuse pour les Marocains qui perdirent un pactole annuel très important. Les villes frontalières du Maroc prospéraient grâce à deux millions d'Algériens qui venaient annuellement débourser dans les produits de consommation en abondance à Oujda, Fès, Meknès, Marrakech et Melillia l'équivalent des recettes du tourisme. En moins de trois ans, les villes frontalières dépérirent et les commerçants marocains commencèrent à se rappeler avec nostalgie l'époque de la «manne algérienne». Aujourd'hui, le fait est là: Alger subordonne sa décision de rouvrir ses frontières ouest à plusieurs paramètres, car il est hors de question de continuer à envoyer ses jeunes y débourser leur argent et revenir avec des sacs de kif traité. La question politique liée au Sahara occidental semble tranchée avec l'attachement d'Alger aux seules résolutions onusiennes. De fait, les aspects techniques et sécuritaires vont primer. Une des toutes premières conditions sera la coopération sécuritaire. Le Maroc qui a été pendant très longtemps une des bases-arrière du GIA, doit collaborer avec les services de renseignement algériens en vue de débusquer les quelques activistes encore actifs sur le sol marocain. Les derniers rapports de la DST marocaine précisent que près de 400 activistes marocains restent à ce jour «introuvables», et présentent de ce fait une menace pour l'Algérie. Un maillage sécuritaire rigoureux est une nécessité absolue pour Alger et, il faut que les allers-retours entre Oujda et Maghnia cessent d'être une villégiature pour les «zetlas-connexion» qui prospèrent des deux côtés des frontières. L'Algérie qui avait la prétention de croire qu'elle était uniquement un pays de transit du kif, découvre aujourd'hui qu'elle est bel et bien un pays de consommation. Les filières marocaines du commerce du kif traité sont très fortement implantées dans les centres urbains du royaume chérifien et concentrent la grande partie de leur trafic vers l'Algérie, la France et l'Espagne, mais c'est le premier pays qui subit les contrecoups, les pays européens étant très outillés dans les opérations de fouille et de repérage et ne laissent entrer qu'une infime partie de la quantité qui leur a été destinée initialement. L'autre condition d'Alger est l'assainissement des contentieux entre les deux pays. Ce dossier est constitué de diverses affaires liées au terrorisme, au financement des groupes armés, au foncier frontalier et aux problèmes d'individus non encore réglés. C'est cet ensemble qui, une fois assaini, décidera du jour où les jeunes d'Algérie pourront se ruer librement sur les magasins marocains dont ils assuraient la prospérité il y a dix ans.