Reporté, puis annulé à plusieurs reprises en raison de profondes divergences entre les Etats sur la question sahraouie, le Sommet de l'UMA, qui se tiendra à Tripoli, dépassera-t-il les clivages pour se consacrer à l'édification du Maghreb ? Le Sommet de l'Union du Maghreb arabe (UMA) aura lieu les 25 et 26 mai en Libye, a indiqué, hier, la très officielle APS, citant un message du chef de l'Etat libyen Mouammar Kadhafi au président Bouteflika. Un envoyé spécial du colonel Kadhafi, M. Saïd Aribi Hafiane, a transmis au chef de l'Etat une invitation pour le sommet. Des consultations pour la tenue de ce sommet avaient eu lieu, mardi dernier, au Maroc, mais aucune date n'avait été fixée, alors que des contacts avaient commencé dès le 17 février lors de la réunion à Rabat des ministres des Affaires étrangères de l'UMA. Ils se sont poursuivis lors du Sommet arabe d'Alger, les 22 et 23 mars dernier. Les statuts de l'UMA, dont le dernier sommet s'est tenu à Tunis en 1994, prévoient un sommet annuel des chefs d'Etat. Mais deux sommets ont été annulés à la dernière minute à Alger, en juin 2002 et décembre 2003 en raison de différends de fond entre les dirigeants maghrébins sur la conduite à tenir sur le problème de décolonisation du Sahara occidental. La paralysie de cette organisation régionale créée en 1989 à l'issue du Sommet de Zéralda à Alger est notamment due aux divergences entre le Maroc et l'Algérie sur la question sahraouie. Il faut savoir que le royaume chérifien accuse Alger de soutenir le Front Polisario en refusant l'application du plan de paix onusien prévoyant l'organisation d'un référendum d'autodétermination dans cette ancienne colonie espagnole. Le gouvernement algérien a toujours plaidé la mise en œuvre des résolutions onusiennes en réfutant les accusations marocaines. La tension entre les deux Etats avaient atteint son paroxysme en août 1994 lorsque Rabat sous prétexte des attentats de Marrakech avait décidé d'instaurer le visa engageant du coup un nouveau bras de fer avec Alger au moment où le pays faisait face à une vague de violence islamiste. Il faut ajouter à cela, la répression aveugle qui s'est abattue sur les ressortissants algériens résidents ou en visite en territoire marocain, auxquels il avait été demandé de quitter les lieux dans moins de 48 heures. L'Algérie avait répliqué en procédant à la fermeture de la frontière terrestre et en instaurant le visa. Depuis, les relations bilatérales ont évolué en dents de scie jusqu'au sommet de la Ligue arabe d'Alger. Un sommet algéro-marocain a même eu lieu en marge de cette importante rencontre, mais qui n'avait pas débouché sur le règlement des problèmes en suspens entre les deux pays. Le président Bouteflika l'a d'ailleurs fait savoir à partir de Paris, en conditionnant la réouverture de la frontière terrestre au règlement de trois points, à savoir l'assainissement des relations bilatérales, la construction du Grand Maghreb et le règlement de la question du Sahara occidental. Sur ce dernier point, le chef de l'Etat avait émis le souhait de voir le royaume chérifien se conformer aux décisions onusiennes. On avait hâtivement conclu à la fin du contentieux algéro-marocain après la visite du roi Mohammed VI à Alger, suivie quelques jours après de l'annonce par le président Bouteflika de la suppression du visa pour les Marocains souhaitant venir dans notre pays. Les observateurs avaient vu dans la suppression du visa annoncée par Alger en réponse à la même décision prise depuis le mois de juillet par Rabat, une première étape en attendant une prochaine réouverture de la frontière commune, condition à une réactivation des instances de l'UMA souhaitée par les chefs de l'Etat de l'union. Mais pour Alger, la réouverture des frontières est conditionnée par un certain nombre de paramètres dont en premier lieu économique. Et sur ce plan-là, le déséquilibre commercial en faveur de Rabat en plus du phénomène du trafic de drogue qui fait rage aux frontières ouest sont autant d'arguments qui laissent éloigner davantage la réouverture tant espérée des Marocains. Cette question sera certainement à l'ordre du jour du Sommet de Tripoli. Il en sera très probablement de même pour le conflit sahraoui qui dure depuis 30 ans, à moins que les dirigeants maghrébins aient déjà évacué ces points du menu des discussions en se consacrant à l'essentiel, à savoir la coopération économique et financière qui fait cruellement défaut à l'UMA. S. T.