Le président russe est arrivé hier à Ankara pour une brève visite destinée à doper les liens économiques entre les deux pays, notamment en matière d'énergie, malgré des frictions sur des sujets sensibles comme la Syrie et l'Ukraine. Accompagné d'une pléiade de ministres, le président russe a été accueilli en début d'après-midi hier en grande pompe par son homologue Recep Tayyip Erdogan dans son tout nouveau, luxueux et controversé palais présidentiel de la banlieue d'Ankara, après un rapide détour par l'incontournable mausolée d'Atatürk. Signe de l'importance qu'il accorde à cette visite, M.Erdogan, dont le pays a pris les rênes hier du club des 20 économies les plus puissantes de la planète (G20), a réservé à son hôte le même protocole que celui accordé au pape François il y a trois jours, avec escorte en grand uniforme et revue des troupes. Les deux dirigeants se sont immédiatement enfermés derrière les imposants murs du «palais blanc» pour un entretien en tête à tête. Ils doivent ensuite présider une réunion de la commission de coopération bilatérale qui doit accoucher d'une série d'accords économiques et commerciaux, avant une conférence de presse annoncée en milieu d'après-midi et le départ en soirée de M. Poutine. Selon une source officielle turque, cette rencontre devrait faire avancer les discussions engagées par Ankara pour obtenir un rabais sur le prix de ses importations de gaz naturel russe, qui représentent 60% de son approvisionnement. Le gouvernement islamo-conservateur turc a également demandé à Moscou une augmentation de ses livraisons de gaz. Gazprom a promis de satisfaire la requête turque mais ce projet est contrarié par la crise en Ukraine, pays de transit du gaz russe. La Turquie arrive au deuxième rang des clients du gaz naturel russe, après l'Allemagne. La coopération énergétique est une priorité des deux pays. Moscou a décroché le contrat pour la fabrication de la première centrale nucléaire turque, pour un montant de 20 milliards de dollars. Le projet a connu des problèmes techniques mais le premier des quatre réacteurs devrait être opérationnel d'ici 2020, selon Ankara. Le montant des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 32,7 milliards de dollars en 2013. Très ambitieuses, les deux capitales se sont fixé l'objectif de le tripler pour lui faire atteindre rapidement la barre des 100 milliards. Depuis plusieurs années, la Turquie, membre de l'Otan, et la Russie, ont noué d'étroites relations commerciales, malgré de sérieuses divergences diplomatiques sur des sujets aussi sensibles que la guerre en Syrie et la crise en Ukraine. Moscou reste l'un des derniers soutiens du régime du président Bachar al-Assad, devenu à l'inverse la bête noire d'Ankara qui milite de longue date pour son départ. Ankara a par ailleurs condamné l'annexion par la Russie de la province de Crimée et exprimé ses craintes pour sa minorité tatare turcophone. Les deux capitales pourraient toutefois se rapprocher sur le dossier syrien, à la faveur de l'offensive lancée par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Le groupe fondamentaliste, auteur de nombreuses exactions en Syrie comme en Irak, «recrute aussi des musulmans dans le Caucase (russe)», a souligné un responsable turc, «cela pose un sérieux problème de sécurité à la Russie aussi». Les deux pays, dont les relations avec les pays occidentaux ont été nettement tendues par ces deux crises, continuent toutefois à entretenir des liens étroits. «Les relations entre la Turquie et la Russie restent stables, maintiennent leurs cours et ne dépendent pas de la situation actuelle», a déclaré avant sa visite Vladimir Poutine à l'agence gouvernementale turque Anatolie. Outre ces convergences stratégiques, de nombreux commentateurs soulignent également les similitudes entre Recep Tayyip Erdogan, 60 ans, et Vladimir Poutine, 62 ans. Charismatiques et ambitieux, tous deux se sont fait élire à la tête de leur pays malgré de forts mouvements de contestation contre leurs pratiques jugées autoritaires.