Les monarchies pétrolières du Golfe, se réunissent demain en sommet à Doha pour débattre de la persistance de la menace islamiste et de l'impact de l'effondrement des cours du brut, leur principale source de revenus. Ce sommet devrait permettre aux six pays membres (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït) de réaffirmer l'influence régionale du Conseil de coopération du Golfe (CCG) dans un contexte d'affaiblissement des chefs de file traditionnels du monde arabe. La réunion sera dominée par les questions de sécurité et des relations avec les autres pays arabes, en particulier l'Egypte, dont les turbulences depuis le début du Printemps arabe sont à l'origine d'un conflit sans précédent au sein du CCG depuis sa création en 1981. La brouille a culminé en mars avec le rappel par l'Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats arabes unis de leurs ambassadeurs au Qatar. Ils accusaient ce dernier de déstabiliser la région par son soutien aux Frères musulmans en Egypte, écartés du pouvoir en juillet 2013 par le chef de l'armée, Abdel Fatah al-Sissi, devenu depuis président, et de donner refuge à des opposants de ses partenaires du CCG. La réconciliation a été scellée en novembre et s'est concrétisée par le retour des ambassadeurs à Doha. Elle a été rendue possible par une médiation du Koweït et l'accord a été présenté par le roi Abdallah d'Arabie saoudite comme «un cadre général pour (...) la fin des divergences» arabes, y compris entre le Qatar et l'Egypte. Le Caire a salué l'appel du souverain saoudien à rejoindre les monarchies du Golfe, voyant dans cette réconciliation «un pas énorme vers la solidarité arabe». L'expert Abdelwahab Badrkhan, basé à Londres, estime que la fin de la dispute a surtout «évité au CCG la désintégration et favorisé la tenue, comme prévu, du sommet annuel à Doha». Pour lui, la réconciliation a été motivée essentiellement par la persistance de la menace que représente pour la région le groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui sème le chaos en Syrie et en Irak, aux portes des monarchies du Golfe. Ces monarchies «s'inquiètent pour leur sécurité intérieure, ce qui rend nécessaire la coordination de leur coopération sécuritaire», a ajouté l'analyste. D'autant qu'elles se sont engagées dans la coalition internationale conduite par les Etats-Unis. Un responsable du Golfe a indiqué que le sommet devrait approuver la mise en place d' «un commandement militaire conjoint», qui aurait pour mission de coordonner avec les autres partenaires de la coalition les opérations militaires menées contre l'EI. Selon M. Badrkhan, si les monarchies du Golfe ne sont plus divisées sur la crise syrienne, «des divergences persistent sur les rapports avec l'Egypte et le rôle régional de l'Iran». Les Emirats adoptent une politique d'endiguement de «l'islam politique» qui est, pour eux, à l'origine du l'extrémisme religieux, tandis que le Qatar juge nécessaire de «contenir la mouvance islamiste» pour mieux la canaliser, relève l'analyste. L'influence régionale croissante de l'Iran chiite, principal rival de l'Arabie saoudite sunnite, a exacerbé les tensions dans la région dans la foulée du Printemps arabe en 2011. Et les monarchies se préoccupent des ouvertures de Washington vis-à-vis de Téhéran, en particulier pour obtenir un accord sur le nucléaire. Le sultanat d'Oman, qui entretient de bonnes relations avec Téhéran, s'est démarqué de ses partenaires en accueillant en 2011/2012 des négociations secrètes irano-américaines, puis en novembre un round des négociations nucléaires. A Doha, les dirigeants des monarchies devraient également évoquer l'impact de l'effondrement des cours du brut, qui ont perdu 40% de leur valeur depuis juin. Leur dégringolade se poursuit depuis la récente décision de l'Opep de maintenir son niveau de production malgré la surabondance de l'offre. Pour ces monarchies, qui ont constitué des réserves financières de 2.450 milliards de dollars grâce à la manne pétrolière, «préserver les parts de marché est devenu plus important que défendre le niveau des prix», souligne l'expert koweïtien Kamel al-Harmi.