Zeid Ra'ad Al Hussein, a estimé hier «choquante» l'indifférence des pays européens à l'égard des migrants tentant de traverser la Méditerranée, alors qu'un record de 3.419 y ont perdu la vie en 2014. «Le manque d'intérêt que nous voyons dans de nombreux pays face à la souffrance et l'exploitation de ces personnes désespérées est profondément choquante», a affirmé M. Al Hussein à l'ouverture d'une conférence à Genève sur ce sujet. Depuis le début de l'année, ce sont plus de 207.000 migrants qui ont tenté de traverser la Méditerranée, un chiffre presque trois fois plus élevé que le précédent record de 2011 lorsque 70.000 migrants avaient fui leur pays lors du printemps arabe. «Les pays riches ne doivent pas devenir des ghettos, avec leurs peuples cherchant à fermer les yeux pour ne pas voir les tâches de sang maculant leurs routes», a avertit le Haut Commissaire. Avec des conflits au sud (Libye), à l'est(Ukraine) et au sud-est (Syrie/Irak), l'Europe connaît actuellement le plus grand nombre d'arrivées par la mer. Près de 85% des départs s'effectuent depuis les côtes libyennes pour rejoindre l'Italie ou Malte. La plupart de ces migrants arrivés en Italie cette année sont Syriens (60.051), leur pays est ravagé par une guerre civile depuis plus de trois ans et demi, et Erythréens (34.561) qui fuient leur pays pour échapper à la répression brutale du pouvoir, au service militaire à vie, et au travail forcé, non rémunéré et à durée illimitée. Le HCR a critiqué la gestion migratoire des pays riches, regrettant que certains gouvernements se focalisaient davantage sur le maintien des étrangers hors de leurs frontières que sur le respect de l'asile alors que de nombreux enfants, femmes et de personnes âgées font partie des embarcations souvent surchargées. «Si des familles entières risquent leur vie en mer aujourd'hui, c'est parce qu'ils ont déjà tout perdu et qu'ils pensent que c'est leur seule manière d'être en sécurité», a expliqué António Guterres, Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés. «A leur place, nous aurions probablement fait la même chose, et peut-être que cette simple prise de conscience de notre humanité commune peut nous guider à faire les bons choix en guise de réponse», a ajouté M. Al Hussein. A elle seule, l'Italie a déjà sauvé 150.000 migrants qui tentaient de traverser la Méditerranée cette année. Les autorités italiennes ont cependant confirmé fin octobre la fin de l'opération «Mare Nostrum», lancée dans l'urgence de la tragédie qui avait frappé Lampedusa, ne souhaitant pas la prolonger à long terme, faute de soutien de ses partenaires européens. Plusieurs d'entre eux ont finalement accepté de contribuer à une nouvelle opération, baptisée Triton qui sera limitée à la surveillance de la frontière extérieure de l'UE en Méditerranée. «Vous ne pouvez pas utiliser des moyens de dissuasion pour empêcher une personne de fuir pour sauver sa vie, sauf en augmentant les dangers», a affirmé M. Guterres pour qui ces personnes ne cherchaient «pas l'espoir» mais effectuaient ce trajet «par désespoir». Toutefois, si la Méditerranée constitue «la route la plus mortelle du monde» selon le HCR, elle n'est pas la seule. Avec ceux de Méditerranée, au moins 348.000 migrants dans le monde ont ainsi entrepris de traverser une mer depuis début janvier, un pic jamais atteint. Le HCR a dénombré 540 victimes sur les 54.000 ayant tenté de traverser le golfe de Bengale en Asie du sud-est, la plupart en provenance du Bangladesh ou de Birmanie et à destination de la Thaïlande ou de la Malaisie. En Mer rouge et dans le golfe d'Aden, au moins 242 personnes ont perdu la vie, tandis que dans les Caraïbes, le nombre de morts ou de disparitions signalées s'élevait à 71 début décembre.