Quelle est donc cette génération de médecins exerçant dans les urgences qui signent un certificat médical évoquant une amputation d'un doigt pourtant seulement entaillé? Un procès où le drame a prédominé durant la moitié du temps des débats et a vite tourné au sourire, au rire et aux éclats de rire. Cette situation n'arrive pas souvent à Benyounès, l'austère président du tribunal, assis confortablement, qui a été «embarqué» une heure durant par une erreur d'appréciation du médecin de permanence à l'hôpital. En deux mots, les faits sont clairs: une rixe entre deux voisins. L'un d'eux sort un couteau. Du sang gicle. La nièce de l'un des deux bagarreurs avait alerté le tonton, le frère de l'agresseur. Et le procès débuta: «Je jure par Allah que je ne l'ai pas touché!» proteste d'emblée Liès S., le prévenu, à qui le juge rappelle qu'un doigt a... sauté. La victime, debout à droite a du plâtre sur l'index que le magistrat croit perdu à jamais. Seul Maître Akila Drif-Teldja, l'avocate de la défense, rit sous cape car elle savait qu'il y avait une profonde entaille et non une amputation que Khaled Benyounès a prononcée une dizaine de fois au moins, histoire de tenir en respect l'auteur du mauvais geste, certificat médical à l'appui! Mais de mauvaises lectures donnent ce genre de ratés! Et lorsque le président s'est aperçu qu'il s'était leurré dès le coup d'envoi du procès, il demanda des explications à la victime. Suivons cet éloquent échange: «- Pourquoi ne pas avoir corrigé l'expression: le doigt est perdu? dit de suite le magistrat qui reste coi devant les réponses qui vont suivre, des réponses édifiantes, assurément, - Vous ne me l'avez jamais demandé dans vos questions, rétorque le gus sans ton - Vous auriez pu m'interrompre... reprend le juge du siège serein - Nul dans cette salle n'a le droit d'interrompre le président de l'audience, sauf avec son autorisation», reprend, avec un rictus l'individu. Messaoud Kennas, le jovial, procureur, regrette ce retournement de veste de la part de la victime: «Lors de l'instruction, vous aviez fait un tel boucan. Vous aviez désigné Samir et Liès comme étant les agresseurs. Aujourd'hui, vous avez toujours votre doigt et vous ne savez pas qui vous a blessé au doigt.» Maître Drif-Teldja joue sur du billard. Elle demande la relaxe, surtout que l'application de la loi avait été demandée par le procureur. Le dossier a été mis en examen, le temps de relire les passages où les zones d'ombre persistent malgré la bonne volonté du tribunal, un tribunal vigilant et pour cause...