Maître Drif a tout entrepris pour sauver Bengouraïne car, pour elle, il s'agit d'un certain «Bengrine!» qui écope de...12 ans ferme! Une très grave affaire portant sur le trafic de came a été jugée lundi dernier par Khaled Benyounès le juge gaucher, mais jamais gauche lorsqu'il s'installe confortablement sur le siège de la correctionnelle d'El Harrach (cour d'Alger). Grave, ce dossier l'est doublement. L'inculpé condamné par défaut à 15 ans d'emprisonnement ferme sur la base de l'article 17 de la loi n°04 18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes». Jugé sur opposition, l'inculpé via son avocate Maître Akila-Drif-Teldja a jugé «elle aussi» cette affaire très grave car, s'écriera-t-elle plus tard au cours de son efficace intervention, «il y a erreur sur la personne. Mon client se nomme Bachir Bengouraïne et celui qui a donné le dealer a parlé de Bengrine sans autres détails!» Le tribunal juge sur pièces. «Et les premières pièces versées au dossier demeurent les coordonnées exactes, pas de pseudos coordonnées. Nous ne sommes pas en train de tourner un flim d'action où il manque un personnage et qu'on ramène un minable figurant!» Benyounès cligne des cils, baisse la tête et estime que l'avocate effectue son boulot librement considérant que lui aussi a joué son rôle au moment où il a exhibé le relevé des appels téléphoniques où figurent l'inculpé et le dealer qui l'a donné. «Ce n'est pas mois l'auteur de ces appels vu que je suis un cultivateur à Maghnia (Tlemcen) et je ne possède pas de phone.» Le président fait non de la tête et dit: «Je ne pense pas qu'en 2014, il y ait un seul Algérien qui ne possède pas de puce et de portable» en ajoutant d'un air serein: «Même le petit élève du primaire en a!» Assis à nos côtés, un jeune avocat de Baraki siffle: «Je crois que cet inculpé est parti pour un long séjour aux Quatre-Hectares, car il est originaire de Maghnia et pour certains juges, c'est plutôt une circonstance... aggravante!» Evidemment, ce jeune défenseur fait de l'humour sinon, nous connaissons pas mal de cadres de la nation poursuivables du seul fait de leur lieu de naissance. Ce commentaire balancé, revenons à l'analyse du magistrat du siège, Khaled Benyounès, dont le mérite est d'avoir d'abord été un avocat à Alger qui a donc eu affaire aux différents mécanismes de défense qui veulent que toute personne est considérée comme innocente jusqu'à ce que les preuves poussent à la condamnation. Ce principe universel aura été une chaude cartouche de plus pour Maître Drif qui avait quitté Alger-Centre avec la ferme résolution de décortiquer le malentendu créé par une méchante instruction bâclée où on ne lit nulle part les confrontations et surtout les coordonnées de l'inculpé sur le fichier téléphonique. «Rien ne prouve concrètement que le portable et la puce utilisés appartiennent à mon client, déjà victime d'une méprise autour du nom», s'écrie une énième fois le défenseur dont la mine n'est nullement défaite par quinze jours de jeûne et de veillées mais plutôt par la colère de voir un innocent croupir en taule en plein Ramadhan, loin des siens... D'ailleurs, comme s'il avait fait un rêve, Benyounès s'adresse au détenu âgé de 52 ans avec une face décomposée par la détention préventive et surtout par le verdict prononcé par défaut... Et il s'adresse les yeux grands ouverts en ces termes: «Vous savez quelle est ma conviction dans ce dossier? c'est que tous ces appels ont commencé par un premier appel de loin pour vous informer qu'il y a un véhicule garé quelque part, le deuxième pour donner la destination; le troisième le nom du correspondant chargé de prendre la relève de «loto» (terme favori des Oranais en général alors que pour les Algérois c'est «l'carroussa». C'est un éleveur de chevaux de course à Ouled Charef (Tlemcen) où il y est très connu. Son autre passion, c'est le bétail et c'est un écolo» a dit l'avocate qui a exprimé son amertume de voir cet innocent fellah être poursuivi pour rien. «Et rien ne démontre ni ne prouve que Bachir est un dealer d'autant plus qu'il a été interpellé sur une ridicule dénonciation d'un dealer qui a donné un autre nom autre que celui qu'il porte» avait martelé Maître Drif-Teldja en superforme à 11h10. Le procureur lui, en pensant visiblement aux termes de l'article 17 de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 avait réclamé le verdict prononcé lors du procès tenu par défaut. Et l'article 17 dispose: «Est punie d'un emprisonnement de dix (10) ans à vingt (20) ans et d'une amende de cinq millions de dinars à cinquante millions de dinars toute personne qui vend, acquiert, achète pour la vente, entrepose, extrait, prépare, distribue, livre à quelque titre que ce soit, fait le courtage, expédie, fait transiter ou transporte des stupéfiants ou substances psychotropes. La tentative de ces infractions est punie des mêmes que l'infraction consommée. Les actes prévus à l'alinéa 1 sont punis de la réclusion perpétuelle lorsqu'ils sont commis en bande organisée.» Reste maintenant à vérifier si Khaled Benyounès va suivre les procès-verbaux d'audition, l'avocate et ses arguments ou sa conscience! Pour ce faire, un magistrat courageux peut en ces jours bénis par l'Eternel, juger en son âme et conscience, user de son pouvoir discrétionnaire et permettre à ce Maghnaoui, victime plutôt de la mauvaise réputation de cette belle région, de prendre une «hrira» réconfortante. Le verdict a été rendu fin juillet 2014. Peut-être que Benyounès a eu le courage de douter autour de la dénonciation du dealer et accorder la liberté au cultivateur de...Maghnia!