John Kerry, chef de la diplomatie américaine, a repris son bâton de pèlerin pour, assure-t-il, tenter de relancer le processus de dialogue entre Palestiniens et Israéliens. Après le fiasco de la précédente expérience on aurait pu croire que M.Kerry allait (re)venir avec des idées neuves et des objectifs clairs avec, notamment, une date butoir tout aussi précise qui mettrait les deux parties face à leur responsabilité. Il n'en est rien. Faisant montre d'un volontarisme de courte vue, M.Kerry reprend les même ingrédients qui se sont avérés largement inefficaces. Les Etats-uniens semblent vouloir juste amener les deux parties à négocier pour négocier, sans objectifs précis et sans date de forclusion. Une obstination incompréhensible et peu en adéquation avec la situation induite tant au plan des négociations qui piétinent depuis des années, que sur celui du terrain où, imperturbable, Israël poursuit les implantations de colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées. Cela étant, le «parrain» US du processus de paix (on se demande si cet attribut est bien approprié en l'occurrence) continue à penser que la paix est possible dans le même temps où Israël travaille à renforcer la judaïsation des territoires palestiniens. Cela simultanément à des «négociations» qui s'avèrent en fait suicidaires pour les Palestiniens. Alors qu'ils négocient de bonne foi, Israël s'active à rendre aléatoire l'édification de l'Etat palestinien. Cela M.Kerry et son président - le chef de la Maison-Blanche, M.Obama - le savent pertinemment. On peut même estimer qu'il y a complicité et conjuration des Etats-Unis avec son protégé: Israël. Certes, les Palestiniens - faisant contre mauvaise fortune bon coeur - ont accepté la caution états-unienne, mais celle-ci apparaît de plus en plus caduque et à sens unique en faveur d'Israël. Les Etats-Unis sont devenus, par défaut, juge et partie. Avant de rencontrer le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu (lundi à Rome), John Kerry a évoqué devant la presse la «nécessité» d'éviter que «la situation ne se détériore encore davantage», assurant chercher «ce qui peut être fait ensemble pour l'éviter». Si M.Kerry ne sait pas ce qui doit être fait (pour éviter que la situation ne s'envenime davantage) alors que vingt ans de négociations n'ont pas permis de faire avancer d'un iota le processus de paix au Proche-Orient, on se demande ce qu'il fait à la tête de la diplomatie US? Plutôt oui, brandir au Conseil de sécurité le veto qui paralyse l'ONU et bloque toute initiative ne venant pas de Washington ou d'Israël. En réalité, ce qui fait bouger les Américains, c'est le fait que les Palestiniens aient (enfin) décidé de passer à l'acte en tentant d'internationaliser un dossier en otage du duo israélo-américain. C'est encore, le projet de résolution palestinien (qui devait être déposé hier au Conseil de sécurité, par la Jordanie) qui met en émoi Israël et les Etats-Unis. D'ailleurs, un responsable du département d'Etat à affirmé devant la presse: «Ce n'est pas la façon dont, je pense, il nous faut appréhender une négociation très compliquée, en imposant une échéance de deux ans.» Voilà qui est dit: c'est donc la date butoir (les Palestiniens veulent obtenir de l'ONU un retrait d'Israël de la totalité des territoires occupés, y compris Jérusalem-Est, en novembre 2016) qui embarrasse et fait agir dans l'urgence Israël et les Etats-Unis qui n'ont tiré aucune leçon des échecs répétés - dus à l'irrédentisme israélien - pour revoir le contexte même dans lequel ce (non)dialogue est opéré. Or, prenant fait et cause pour Israël, Washington - plus que jamais partial dans ce contentieux qui a été compliqué à dessein pour boucher les issues - ne veut pas d'une mesure, selon lui «unilatérale», des Palestiniens visant à faire reconnaître leur Etat - estimant que l'Etat palestinien doit «être l'issue» de négociations de paix. On n'a pas souvenance que les Etats-Unis - qui incitèrent les pays membres de l'ONU à voter le partage de la Palestine en 1947 - aient consulté, demandé leur avis ou négocié avec les Palestiniens ce partage de la Palestine. Ce qu'il faut savoir est que la réhabilitation de la Palestine ne dépend pas d'Israël. Seules les conditions de la paix sont négociables entre les deux parties. Et les oukases américains et/ou israéliens n'y changeront rien. M.Kerry qui veut relancer le processus est dans tous ses états. Il a été remarqué que lors de son déplacement en Europe il portait un grand sachet à la main. Apporte-t-il des cadeaux de Noël pour amadouer les Palestiniens et les convaincre de continuer à jouer une comédie sans tête, ni queue, qui dure depuis vingt-ans? Dans cette absurde histoire sans fin, tout est possible en fait!