Le principal groupe d'opposition chiite de Bahreïn, Al-Wefaq, frappé d'interdiction depuis octobre, a annoncé hier la reconduction pour quatre ans de son chef, cheikh Ali Salmane, au cours d'un congrès tenu pour se mettre en conformité avec la loi du royaume. Cheikh Salmane a aussitôt été convoqué dimanche au ministère de l'Intérieur, a indiqué Al-Wefaq, ajoutant que le ministère n'avait pas précisé les raisons de cette mesure, qualifiée de «grave». D'importantes forces de police ont été déployées au moment de la remise de la convocation samedi à la mi-journée près de la résidence du chef du Wefaq dans une banlieue de la capitale Manama, selon des témoins. Le Wefaq a été interdit d'activités fin octobre pour une durée de trois mois, la justice bahreïnie pressant le mouvement de «se mettre en conformité avec la loi sur les associations». Cette réglementation régit les activités des groupes et mouvements politiques. La loi bahreïnie ne reconnaît pas explicitement le droit de fonder des partis politiques proprement dits. Le congrès du Wefaq, réuni vendredi soir à Manama, a renouvelé l'ensemble des instances dirigeantes, dont les 30 membres de son Majlis al-Choura, qui fait office de comité central, et a reconduit cheikh Ali Salmane, 49 ans, dans ses fonctions de secrétaire général, selon un communiqué publié hier. Le Wefaq et les autres groupes de l'opposition avaient boycotté les élections législatives de novembre, les premières depuis la contestation anti-régime de 2011 dans ce petit royaume du Golfe allié des Etats-Unis. Ces élections étaient organisées sur fond d'impasse politique dans ce pays à majorité chiite et dirigé par une dynastie sunnite, où l'opposition réclame une monarchie constitutionnelle. Dans le rapport politique soumis aux congressistes, le Wefaq répète qu'une sortie de crise passera par «un dialogue sérieux et sincère» entre le pouvoir et l'opposition. «L'opposition réagira positivement à tout appel honnête et sérieux au dialogue et à la négociation, mais restera prudente et vigilante face aux tentatives du régime de contourner les revendications du peuple», souligne le texte. Sans l'instauration d'une véritable monarchie constitutionnelle, la contestation contre la dynastie des Al-Khalifa «se poursuivra, s'il le faut, encore pendant plusieurs années» mais «par des moyens pacifiques», est-il encore écrit. Vendredi, des milliers de chiites ont manifesté sur un axe routier reliant plusieurs villages chiites, près de Manama, pour réclamer la destitution du gouvernement et du Parlement, qualifiés d' «illégitimes» sur des banderoles brandies par des protestataires, selon des témoins. Au terme de cette manifestation qui s'est déroulée sans heurts avec la police, l'opposition a publié un communiqué soulignant notamment que «le gouvernement et le parlement actuels n'ont pas de mandat populaire». Face à la poursuite de la contestation, Bahreïn a alourdi les peines pour les auteurs de violences et introduit la peine capitale ou la prison à perpétuité en cas de morts ou de blessés.