Le chef de la diplomatie du Makhzen trahit sa déconfiture en reprenant un discours pour le moins éculé. Décidément, il faudra sans doute faire une croix sur la probabilité d'une rencontre entre Bouteflika et Mohamed VI en France, en marge de la célébration du débarquement de Provence. Alors que le débat semble être clos concernant la supposée nécessité qu'Alger intervienne pour régler le conflit du Sahara occidental, ne la concernant en rien du reste, voilà qu'à la veille du déplacement en France des deux chefs d'Etat algérien et marocain, le chef de la diplomatie marocaine vient mettre les pieds dans le plat. Dans une déclaration à la radio Sawa, reprise par l'agence de presse officielle de Sa Majesté, Mohamed Benaïssa, en effet, reprend des propos qui, pour éculés qu'ils soient, semblent lui être extrêmement chers. «l'Algérie détient les clés du règlement de la crise du Sahara occidental», a-t-il notamment déclaré, ajoutant que notre pays serait «la seule partie capable de relancer l'Union du Maghreb arabe». En termes diplomatiques, si peu grimés, il ne faut comprendre rien moins qu'un chantage exercé sur notre pays concernant la reprise du processus d'édification de l'UMA en contrepartie de l'abandon du soutien de notre pays au respect du droit international concernant cette simple question de décolonisation, comme a conclu le Conseil de sécurité de l'ONU, mais aussi l'ancien envoyé spécial de Kofi Annan pour la région, James Baker, venu proposer une feuille de route portant autodétermination du peuple sahraoui dans un délai ne devant pas excéder cinq années. Notre pays, qui n'est en rien partie prenante dans ce conflit, mais qui se borne à rappeler certains principes de droit international inaliénable, n'a jamais eu de cesse de soutenir que l'édification de l'UMA ne devait en aucune façon être tributaire du règlement du conflit sahraoui, du moins dans le sens où l'entend le palais royal. Rabat, dans son chantage allant toujours crescendo, n'en a pas moins bloqué l'Union, même si cette dernière était née alors que le conflit sahraoui existait déjà. Elle a réussi à faire avorter à deux reprises le Sommet d'Alger avant que la présidence tournante ne soit transmise à la Libye. Une aubaine pour Tripoli, en quête de «bons points» étrangers, pour annoncer tout de go que la question du Sahara occidental serait incluse dans le prochain sommet des pays membres de l'Uma. Mais depuis la démission de Baker, l'offensive avortée de l'axe Paris-Madrid-Rabat et la démonstration de force des autorités de la Rasd (république arabe sahraouie et démocratique), les choses semblaient être rentrées dans l'ordre en attendant que se prononce le nouvel envoyé spécial de Kofi Annan dans la région. Ainsi, la sortie de Benaïssa, intervenant à un moment indu, trahit-elle la panique qui tend à gagner le régime chérifien, en train de perdre la bataille diplomatique. Cela est d'autant plus vrai que le Maroc fait face dans le même temps à une poussée intégriste et terroriste pour le moins inquiétante, et qu'il cherche à tout prix l'aide et l'expérience de l'Etat algérien. C'est dans ce cadre que s'était inscrite la suppression des visas marocains imposés à l'Algérie unilatéralement. Le Maroc, qui vit également une crise sociale très grave, accentuant l'exclusion et la montée du terrorisme islamiste, a impérativement besoin de l'ouverture des frontières, puisque notre pays lui rapporte au minimum un million de dollars par an, sans parler de l'argent de la drogue, que les Marocains cultivent au vu et au su de tous à nos frontières. L'Algérie, dont la diplomatie est revenue en force ces derniers temps, veut impérativement assurer certains impératifs avant de procéder à l'ouverture de ses frontières ouest. Outre le trafic de drogue, il y a aussi les immigrants clandestins, mais aussi les terroristes islamistes qui prolifèrent à présent au Maroc et qui, longtemps durant, avaient su trouver refuge et protection auprès des services marocains, désireux d'affaiblir notre pays. Benaïssa doit sans doute saisir ces préalables. Ce qui ne l'empêche pas dans sa déclaration de s'en offusquer « tacitement » en constatant que les frontières entre les deux pays sont encore fermées «malgré la décision royale d'annuler la procédure de visa d'entrée pour les ressortissants algériens désirant se rendre au Maroc». Une déclaration qui, en somme, trahit tout le dépit d'un régime battant véritablement de l'aile mais se complaisant dans sa fuite en avant, le menant tout droit au mur.