Ils étaient attendus au tournant. Ils ont su faire taire leurs détracteurs. Plus de 2 800 ans après les avoir créés, plus de 100 ans après les avoir régénérés, les Grecs ont retrouvé leur «bien». Un «bien» qu'ils ont su livrer à l'humanité entière comme un message de paix et de rassemblement de toutes les races, de toutes les cultures, de toutes les fois. L'histoire retiendra qu'en ce vendredi 13 août 2004, les Jeux olympiques sont revenus au pays, leur pays. Depuis leur rénovation en 1896 par le baron Pierre de Coubertin, ils ont évolué et progressé. A titre de comparaison, Ahtènes avait accueilli, en 1896, 13 nations. Pour le rendez-vous de 2004, 202 pays ont répondu présent. Un record. Les jeux ont évolué et ont été gagnés par le faste. Sous la houlette du Comité international olympique, notamment sous la présidence de l'Espagnol Juan Antonio Samaranch, ils ont été gagnés par l'appât du gain. La compétition, qui n'était ouverte qu'aux simples sportifs amateurs, c'est-à-dire des athlètes qui ne vivent pas de leur talent, s'est transformée à partir de 1992 à Barcelone, en une gigantesque kermesse ouverte aux plus grands et aux plus riches champions de la planète. Les organisateurs de leur côté, avaient compris dès 1984, lors des jeux de Los Angeles, le formidable intérêt qu'ils avaient à tirer du produit qu'ils avaient entre les mains. Ce fut l'entrée en lice des plus grands sponsors auxquels l'organisation des jeux fut livrée clé en main. A partir de là, le mot d'ordre devenait: «Je donne de l'argent, il est normal que j'exige d'avoir les meilleurs sur le terrain». Aussi, plus les olympiades passaient, plus les moyens de l'organisation augmentaient. En 1996, les jeux avaient eu lieu à Atlanta, aux USA. Ceux de 2000 avaient «campé» à Sydney, en Australie. Ce sont deux pays riches et puissants. Ils avaient engagé des moyens colossaux pour la réussite des jeux. En 2004, ces derniers revenaient en Grèce, un petit pays doté certainement de moins de moyens que les précédents. Mais la Grèce, c'est l'histoire, la civilisation, la culture comparée aux USA et à l'Australie, nations neuves qui ont à peine 2 siècles d'existence. La Grèce, c'est la mère de la démocratie, la nation qui, il y a 2800 ans, avait songé à faire cesser les guerres entre les peuples pour les convier à la pratique noble du sport. La Grèce, c'est le pays d'Archimède, d'Aristote, d'Esculope, de Pythagore et de tant d'hommes de science qui, il y a des siècles, étaient en avance sur leur temps. En 1991, ce «petit» pays avait accueilli les Jeux méditerranéens et en la circonstance, il avait érigé dans la banlieue d'Athènes une cité olympique, pensant que le CIO allait avoir l'idée de confier à la cité grecque l'organisation des Jeux du centenaire à ceux de 1996. Mais l'instance internationale olympique a privilégié l'argent au symbolisme. Les Hellènes ponctuels Sous la poussée de grands networks américains et d'une grande firme internationale de boissons non alcoolisées à base de Cola, elle avait opté pour Atlanta. Les Grecs avaient pris cela pour une humiliation mais ils avaient su attendre leur heure. Aussi, lorsque l'organisation des jeux leur fut confiée, ils ont pris le pari d'être exact au rendez-vous. Ils ont été alors la cible des critiques les plus acerbes de certaines nations nanties qui estimaient qu'un tel challenge était difficile à relever pour les Hellènes. Des difficultés, ces derniers en ont rencontré, mais l'histoire retiendra que le 13 août 2004, jour de l'ouverture des jeux, tout était prêt. Des pays comme l'Australie et les USA ont surtout axé leurs remontrances sur le côté sécurité. Il est de fait que les Grecs ont mis les gros moyens de ce côté mais force est d'avouer qu'ici à Athènes, on n'a vraiment pas le sentiment de vivre dans une ambiance du tout sécuritaire. De ce point de vue, Australiens et Américains devraient faire profil bas. Le soir de la cérémonie d'ouverture, les barrages filtrants vers le stade olympique n'étaient pas plus contraignants que dans n'importe quel autre pays de la planète. Les Grecs ont fait leur travail, un point c'est tout et ce n'est pas parce que votre sac passe dans un scanner qu'il faut hurler au scandale. Bien mieux, à l'issue de la cérémonie d'ouverture qui avait rassemblé plus de 80.000 personnes et un nombre impressionnant de chefs d'Etat, il n'a pas fallu plus d'une heure aux Grecs pour dégager le stade et ses abords. En moins d'une heure de temps, les gens étaient chez eux et les journalistes avaient regagné leurs sites d'hébergement, le tout le long d'avenues et de boulevards où l'on n'a pas enregistré le moindre embouteillage. Il fallait le faire. Que dire de cette cérémonie d'ouverture, sinon qu'elle fut à la hauteur de la confiance placée en ce pays. Certes, elle n'eut pas le faste des cérémonies des jeux précédents notamment ceux d'Athènes et ceux de Sydney où l'on avait axé l'imagination sur le côté cirque mais elle a gagné en humanité. Ce fut la cérémonie de l'histoire et des cultures. Une cérémonie qui avait valu aux spectateurs présents une surprise environ une heure avant son coup d'envoi. En effet, à ce moment-là, le public vit apparaître dans l'arène une dizaine d'ouvriers en bleu de travail et avec un casque sur la tête. Tout le monde pensait qu'il ne s'agissait là que de gens intervenant pour donner un dernier coup de marteau pour bien tendre une bâche. Une fois le travail accompli, on vit celui qui passait pour le chef de chantier se frotter le front et pousser un «ouf» de soulagement. Subitement, il jeta son casque, enleva son bleu de travail et au moyen d'un micro lança à l'assistance «Kalispera, Hellas» (bonsoir la Grèce). Il s'agissait de Nikos Alliagas, le présentateur de la célèbre émission de télévision «Star Academy» qui est comme tout le monde le sait Grec. Rejoint par l'actrice Thalia Prokopion qui a eu l'honneur d'allumer la flamme olympique le 25 mars dernier à Olympie, il a contribué à «chauffer» le public en attendant le début de la cérémonie d'ouverture. Chaque spectateur présent dans le stade a trouvé sur son siège une boîte contenant le programme de la cérémonie ainsi qu'un grelot et un «bip» lumineux. A la demande des deux animateurs, le public les actionnait offrant au site l'aspect d'une immense ruche aux milliers de tintements et de scintillements. Un spectacle absolument unique en son genre. Placée sous la direction artistique de Dimitri Papaionnou, la cérémonie d'ouverture fut l'occasion de découvrir l'histoire de la Grèce et des jeux. Le terrain était recouvert d'une immense bâche blanche sur laquelle furent déversés quelque 2162 mètres cubes d'eau (c'est-à-dire 2162.000 litres de liquide). Il avait fallu plus de six heures pour remplir les 9645 m² de la bâche. Il a fallu 3 minutes pour vider celle-ci au moyen d'un système de drainage sans faille. Au centre du terrain et au-dessus, on a fixé un câble à 36 mètres du sol par un système de treuils, on a pu ainsi mettre en scène un spectacle au-dessus du sol avec comme clou la sortie d'un olivier, l'arbre symbole de la paix et de la fraternité. Autre moment fort de la cérémonie, un défilé de Clepsydres, c'est-à-dire de fresques humaines relatant tous les pans de l'histoire grecque. Le défilé des délégations nécessite, à lui seul, 1 heure 45 minutes du temps de la cérémonie car il y avait tout du même 202 pays à faire parader. Irak et Palestine Les Algériens, à leur tête, Djabir Saïd-Guerni, porte-drapeau, ne sont sortis qu'en huitième position car le défilé des nations se faisait selon l'alphabet grec. En dehors de la Grèce (le pays organisateur) les deux pays qui ont reçu la plus grande ovation furent l'Irak et la Palestine, alors que la délégation israélienne est passée dans un total anonymat, les Américains et les Australiens recevant leur quota de sifflets. Le reste fut conforme à ce que l'on attendait des Grecs. Discours d'ouverture du président de la République grecque, M.Kostis Stefanopoulos, de la présidente du comité d'organisation, M.Gionna Angelopoulos-Daskalaki, et du président du CIO, M.Jacques Rogge, levée du drapeau olympique, hymne olympique, le serment olympique et bien sûr la cérémonie de la torche olympique dont le dernier porteur, celui qui a allumé la vasque qui brûlera au-dessus du stade olympique durant tous les jours, fut Angelos Bassins, joueur de l'équipe nationale grecque de football, récemment sacrée au Portugal championne d'Europe des nations. La fête se termine par un immense feu d'artifice comme pour bien signifier que les jeux pouvaient commencer.