Les «faux sinistrés» ne lésinent pas sur les moyens, pour pouvoir parvenir à leur but. Selon des témoignages, certains d'entre eux, auraient payé leur place 10.000 DA. L'opportunisme a pris une ampleur inquiétante à la faveur de la tragédie qui vient d'endeuiller Alger. Alors que les véritables sinistrés lancent toujours des cris de détresse, des familles, moins nécessiteuses et parfois même loin d'être dans le besoin, profitent de la situation. Cela vient remettre en cause une opération de relogement qui s'annonçait déjà des plus complexes. En effet, selon les chiffres communiqués par le président de l'APC, Bab El-Oued ne compte aujourd'hui que 125 familles sinistrées dont les maisons se sont complètement effondrées, suite aux dernières inondations. Ces dernières seront relogées dans les plus brefs délais. Le cas des familles hébergées dans des centres de transit ainsi que celui des squatters ayant occupé des appartements endommagés par le tremblement de terre de 1989, seront étudiés, au même titre d'ailleurs que celui des dizaines de familles qui «logent» actuellement dans des écoles, des mosquées et aux sièges des APC. Mais il n'en demeure pas moins que la priorité va vers «les vrais sinistrés», explique M.Benamar. Ce«favoritisme» est dénoncé par les familles transitaires. Celles du centre Askri-Ahcène ont entamé jeudi dernier une grève de la faim, estimant que leur évaluation et des plus urgentes. «Nous ne quitterons pas l'APC si les autorités refusent de nous reloger dans des logements décents», explique une vieille dame. Pour comprendre leur désarroi, il faut savoir que le centre de transit Askri-Ahcène est une usine abandonnée. Les douze familles qui y vivent, sont les sinistrées du tremblement de terre qui a secoué la capitale en 1989. La wilaya d'Alger les a évacuées dans cet endroit en leur promettant des logements dans de courts délais. Promesse non tenue puisque le séjour dure depuis douze ans. «Aucun journaliste n'a voulu citer notre cas», crie une jeune sinistrée et d'ajouter: «Aujourd'hui nous lançons un appel au Président. C'est lui seul qui pourra régler notre problème.» A Bab El-Oued, responsables locaux et citoyens parlent de «faux sinistrés». Ceux qui n'habitent pas la circonscription et dont les maisons n'ont pas été endommagées par les pluies torrentielles, «passent la journée avec nous, le soir ils rentrent chez eux», s'indigne cette femme rencontrée dans le hall de l'APC de Bab El-Oued et dans un geste significatif désigne du doigt «la femme au foulard rouge» qui est revenue après douze ans, en prétendant habiter la rue colonel Lotfi, un quartier très touché par les inondations. «Cette vieille a fui Bab El-Oued en 1989. Elle habite, aujourd'hui, Bab Ezzouar. Qu'elle rentre chez elle», explose-t-elle. Il y a aussi l'exemple de cette femme mariée à Belcourt, qui a rejoint, avec ses enfants, les familles sinistrées à Bab El-Oued, dans le but de bénéficier d'un logement individuel. Faut-il dire que les opportunistes sont connus, mais personne parmi les sinistrés n'ose les dénoncer publiquement. «On laisse le soin aux enquêteurs», nous dira l'un d'eux. Mais il faut signaler que les «intrus» ne lésinent pas sur les moyens pour parvenir à leur fin. Nombreux sont ceux qui auraient même payé leur place. Les prix varient entre 5.000 DA et 10.000 DA. Ces sommes auraient été versées à quelques sinistrés ayant accepté de jouer le jeu, en les présentant comme étant membre de la famille à l'agent de sécurité posté à l'entrée de l'APC. «Les vrais sinistrés» craignent que l'enquête ne soit longue, d'autant plus qu'on est en plein Ramadan. Cette peur se lit sur tous les visages. «Peux-tu vérifier si mon nom figure sur la liste des évacués?», nous demande cette septuagénaire dont le visage en dit long sur sa détresse. «Dites-leur que ma maison s'est effondrée je vous jure que je suis sinistrée.» L'APC demande aux sinistrés de retourner «chez eux» pour les besoins de l'enquête. Ces derniers refusent par peur d'être ensevelis sous leur toit si des pluies torrentielles tombent encore sur Alger. Une affaire à suivre.