Tous les indices concourent à dire que l'incident, troisième du genre en peu de temps, aurait pu être évité. Le 19 janvier de cette année, une très forte déflagration secouait aux environs de 18h40 le complexe de liquéfaction du gaz de Skikda, dit Gnl/1K. L'explosion sera suivie d'un terrible incendie. Pas moins de trois unités de liquéfaction, c'est-à-dire la moitié de ce que compte ce fleuron de l'industrie algérienne, en ont été fortement endommagées. Les pertes humaines enregistrées, sans parler du manque à gagner économique, auraient dû pousser les autorités, venues en nombre sur les lieux, à faire en sorte que de pareils incidents ne se reproduisent plus. Or, le 22 août dernier, aux environs de 14h42, la chaudière auxiliaire, d'une capacité de 100 T/V, servant à la production de vapeur, a subi à son tour d'importants dommages à la suite de l'éclatement énigmatique de plusieurs tubes supérieurs servant à alimenter ses circuits de refroidissement. Fort heureusement, aucune perte humaine n'a été enregistrée à la suite de ce second incident. Il y a eu plus de peur que de mal, quoique les travailleurs et les riverains, déjà traumatisés par l'incident précédent, en ont été fortement secoués. Pourquoi l'alarme n'a-t-elle pas été donnée avant que n'advienne le drame? Mieux, comment n'a-t-on pas remarqué que des tuyaux, somme toute stratégiques, étaient «usés» alors que le site avait subi une inspection approfondie depuis deux mois à peine? Se pose alors la question de savoir si la sécurité des sites pétroliers stratégiques et sujets à ce genre d'incidents sont bien pris en charge en matière de prévention et de détection d'anomalies en tous genres. En attendant que la lumière soit faite sur ces affaires, le directeur intérimaire du complexe Egzik, M.Saâdoun, n'a pas caché devant nous son admiration du fait que le personnel ait repris le travail immédiatement après l'incident, se souciant beaucoup plus de la reprise de la production que de sa propre sécurité. Cela n'empêche pas notre interlocuteur d'être quelque peu sur la défensive en prenant ombrage de tout ce qu'a écrit la presse sur le sujet. Il est vrai que le manque flagrant de communication et même de transparence, pousse les médias à échafauder diverses thèses, mais aussi à recourir à des sources non autorisées. Toujours est-il que pour notre interlocuteur «l'origine de l'incident est une fuite au niveau des tuyaux d'eau reliés à la pompe servant à alimenter les chaudières des unités 5 et 6, et mue à l'aide d'un moteur manuel». Notre source pousse ses explications plus loin en ajoutant que «parmi les huit à dix tuyaux qui alimentent les turbopompes, il y en a quelques-uns qui ont cédé sous l'effet de la pression. Ainsi, les quantités d'eau échappées ont étouffé le foyer de la chaudière, notamment à cause de la vapeur». L'unité 6, apprend-on encore, a simplement été mise à l'arrêt pour des mesures de sécurité. Une fois les expertises demandées, effectuées avec succès, elle a été remise en marche à peine quelques jours après l'incident. Selon ce responsable, «la production ne sera nullement affectée par cet incident», qualifiée au passage de «minime». Il l'est sans aucun doute. Il n'empêche que la répétition des incidents pousse les observateurs à se demander si les normes de sécurité sont respectées et si le complexe est à l'abri de nouvelles mauvaises surprises du même genre. Toujours est-il que la priorité pour ce responsable semble être, comme nous avons pu le constater, de rassurer les partenaires étrangers sur la poursuite de la production et le respect des contrats signés. Le rapport d'expertise, comme nous avons pu l'apprendre, abonde dans le même sens que notre interlocuteur. Cela n'empêche pas les employés, toujours sous le choc, d'interpeller les autorités concernées sur ces incidents à répétition (trois en l'espace de quelques mois à peine), car la sécurité et le respect de la personne humaine devraient passer avant tout autre considération, aussi économique ou stratégique soit-elle. Il convient de souligner que toutes nos tentatives de prendre langue avec les responsables du complexe Gnl/K sont demeurées vaines. Cela nous pousse à nous interroger sur les raisons de ce silence pour le moins troublant et à nous demander si les causes des incidents sont vraiment celles que l'on invoque. D'ores et déjà, selon les quelques bribes d'information que nous avons pu récolter sous le sceau de la confidence, la thèse de la négligence n'est guère écartée. L'on croit savoir que les rapports d'enquête préliminaire auraient été rejetés par la tutelle. L'affaire, car affaire il y a, promet moult rebondissements pour les prochaines semaines. Nous y reviendrons.