Annoncé par le gouvernement depuis quelques jours, le projet du nouveau découpage administratif ne laisse pas indifférent. Chacun y va de sa vision. Mais le projet reste recevable dans l'absolu. Sans préavis, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a annoncé un nouveau découpage administratif, inscrit par Bouteflika comme un des points forts de son programme pour 2015-2018, qui va intervenir dans les jours qui viennent et qui s'achèvera vers 2018. Annoncé déjà au début des années 2000, ce projet n'a pas été mis en marche. Naturellement, on aurait donc pu prendre les propos de Sellal pour un simple effet d'annonce si, juste après, il n'ont pas été suivis d'un communiqué du Conseil des ministres qui, en plus de la confirmation de l'information, donne les modalités d'exécution du projet. Le découpage administratif envisagé va ainsi toucher, dans un premier temps, les régions du Sud, ensuite les Hauts-Plateaux pour atteindre enfin le reste du pays. ce qui reste méconnu à ce stade, c'est l'ensemble des localités concernées bien que, d'ores et déjà, il est évident que certaines communes du Sud, notamment de In Salah, seront promues, comme l'a martelé le Premier ministre à partir de Ouargla, «wilayas». Cette déclaration de Sellal, politique à plus d'une titre, vise-t-elle à calmer les manifestants antigaz de schiste qui n'entendent pas, après plus deux mois, baisser les bras? La décision d'aller vers un découpage administratif n'est-elle pas la réponse, à peine voilée, que le gouvernement entend apporter aux préoccupations, pourtant autres, de la population? Le gouvernement réduit-il un projet aussi stratégique pour le pays à la seule dimension d'une réaction politique à un problème social? Pour Ahmed Benbitour, «la coïncidence» est à écarter. La prise de cette décision en ce moment précis vise, pense-t-il, «une déviation des préoccupations de la population, notamment de In Salah. De plus, au moment où le gouvernement nous parle d'austérité, il décide d'augmenter le nombre de wilayas et de communes, ce qui est contradictoire et dénote d'un manque de stratégie flagrant». Mais l'ex-chef de gouvernement ne rejette pas le bébé avec l'eau du bain. «Un nouveau découpage administratif doit se faire, mais il est impératif qu'il s'inscrive dans une stratégie globale d'aménagement du territoire et de développement. Il doit aussi prendre en compte la gestion rationnelle de l'espace et de la démographie», conditions auxquelles, selon lui, ne satisfait pas le projet en cours. Pour Ramdane Taâzibt, député du PT, le nouveau découpage en vue est «une vieille revendication du Parti des travailleurs» car, explique-t-il, «en plus du fait que la population a considérablement augmenté depuis le dernier découpage de 1984, le pays est très vaste et il faut donc absolument rapprocher l'administration du citoyen. D'ailleurs, de ce point de vue, il est plus important d'augmenter le nombre des communes, de le doubler au moins, que des wilayas.» Le n°2 du PT n'a cependant pas manqué d'égratigner le gouvernement qu'il accuse de «tout faire dans l'urgence et d'entreprendre des projets, parfois, pour satisfaire les desseins de quelques personnes». Athmane Mazouz, chargé de communication du RCD, pense que la décision du gouvernement vise fondamentalement à éteindre le feu de la contestation dans le Sud, la preuve étant qu'il a été préparé quasiment dans la discrétion, sans associer qui que ce soit». De plus, selon Athmane Mazouz, «le RCD ne se fait pas d'illusion quant à la réussite de la démarche gouvernementale» car il juge qu'elle «ne répond pas aux normes en vigueur un peu partout dans le monde». S'agissant du projet, dans l'absolu, le RCD ne s'y oppose pas. Bien au contraire. «Un nouveau découpage, le RCD le revendique depuis des années. Mais il faut qu'il aboutisse à une réelle décentralisation.» Le FLN, quant à lui, pense que la question ne se pose même pas. «La décision prise par le gouvernement d'aller vers la création de nouvelles wilayas est la bienvenue. Elle est d'une importance hautement stratégique, d'abord parce qu'elle est une revendication populaire de longue date, ensuite parce qu'elle permettra aux régions qui sont jusque-là isolées d'émerger», estime Saïd Bouhadja, chargé de communication du FLN. S'agissant des interprétations que l'opposition fait de cette décision, suggérant entre autres qu'elle vise à faire diversion sur les revendications des habitants de In Salah, le porte-parole de l'ex-parti unique va de tout vent: «Ce n'est pas à l'opposition de dire au peuple ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Il y a des dangers imminents aux frontières sud du pays et il est du devoir de l'Algérie d'y parer en faisant émerger de grands pôles urbains dans cette région.» D'évidence, le projet du nouveau découpage administratif en soi ne semble susciter nulle opposition, du moins sur le plan du principe, tant il est vrai que, l'Algérie étant un vaste pays, il est pratiquement impossible d'en établir une stratégie de gouvernance performante qui ne tienne pas compte d'une nécessaire décentralisation. Le gouvernement en a pris conscience cela fait environ 15 ans, juste à l'arrivée de Bouteflika à la tête de l'Etat, mais ce projet a tardé. Aujourd'hui, il commence à prendre forme. Sous l'impulsion des mouvements de protestation dans le Sud? Soit. Le plus important est d'abord qu'il se fasse. Ensuite qu'il se fasse dans les règles de l'art. Et les règles de l'art, ça se discute.