Le Gabon est venu, à juste titre, nous inviter à plus de retenue et à nous focaliser sur une refonte du système. Dans la grosse canicule de ce début du mois de septembre 2004, le peuple algérien n'a pas eu droit à la bouffée d'air frais à laquelle il s'attendait de la part de son équipe nationale de football. Comble de malheur, en plus des degrés Celsius qui voltigeaient sur les hauteurs du thermomètre, il a dû passer une de ces soirées cauchemardesques qu'il aura bien du mal à effacer de sa mémoire. De l'indépendance à nos jours, nous n'avons pas le souvenir d'une telle raclée, prise à domicile, en match officiel. Il est incontestable qu'une telle blessure aura du mal à se refermer mais elle apporte la preuve qu'une équipe nationale ne peut se construire à partir de rien, sur du vent. Pour beaucoup de gens, l'équation paraît simple. Les joueurs sélectionnés, c'est-à-dire les émigrés, n'avaient pas à l'être. On aurait dû faire confiance aux joueurs de chez nous. Ils auraient fait mieux. Ah la belle blague! Comme si le soporifique championnat d'Algérie , capable de vous endormir n'importe quel éveillé de la planète, nous «pondait» des joueurs talentueux, à même de mettre du rythme et de l'énergie sur une pelouse. Assez de fausses croyances et d'estimations erronées. Le championnat d'Algérie est si faible qu'il serait tout juste bon de vous fournir une sélection appelée à jouer en ouverture des grands de ce monde. Le problème est qu'on a foncé, tête baissée, dans les qualifications du Mondial et de la CAN 2006, alors qu'on n'a eu de cesse de dire que ces deux compétitions ne pouvaient servir d'objectifs à une équipe bâtie à partir d'un football où l'à-peu-près règne en maître. On veut parler ici de la politique appliquée au niveau des clubs dont aucun ne peut se prévaloir d'être structuré correctement. Les pouvoirs publics ont une grande part de responsabilité dans l'énorme gâchis qui s'est produit à ce niveau, depuis tant d'années. Puisant à fond dans les caisses de l'Etat, ils se sont mis à injecter à profusion de l'argent, oubliant que la première richesse existant sur terre c'est l'homme et le travail qu'il est capable de fournir. Des gens se sont, alors, retrouvés à gérer de grosses fortunes, qui plus est sans un contrôle strict. Pire encore, ils n'ont jamais été soumis à un cahier des charges leur imposant de mettre le paquet sur les jeunes et la formation. En 2004, sans équipes nationale cadette, junior et espoir compétitives, on en est à espérer monter une équipe senior capable de renverser des montagnes. Bercez-vous de leurres, messieurs et dormez bien. La FAF ne peut rester en retrait de ce constat d'échec. Plutôt que sur l'équipe nationale, c'est sûr la DTN qu'elle aurait dû se focaliser. Notre football est faible, il était utopique d'attendre grand chose de son équipe nationale. La priorité n'était pas le recrutement d'un entraîneur étranger. Ce dernier est comme un maçon. Il a besoin de bonnes briques et d'un bon ciment pour vous ériger un mur solide. Vous lui donnez du tout-venant, il ne peut vous construire qu'un édifice friable. Depuis 1996 et une certaine humiliation face au Kenya qui nous avait éliminés de la Coupe du monde de 1998, on n'arrêtait pas de clamer que tout était à revoir dans le système, que nos clubs devaient obéir à une politique basée sur le sérieux et la rigueur, qu'il ne fallait pas fixer d'objectifs à court terme mais penser, d'abord, à construire sur du solide. Mais l'improvisation, on aime chez nous. On aime le ponctuel plutôt que le durable juste pour amuser la galerie et faire danser les foules. Et le pari est pris que même avec cette énorme gifle prise face au Gabon, on continuera à faire semblant comme que si rien ne s'était passé. Maintenant, s'il faut se figer sur ce drame d'Annaba, il convient de dire que nous avons eu droit à un spectacle mettant aux prises une équipe homogène, qui jouait au football, à un ensemble disparate juste bon à pousser le ballon du pied. L'humiliation n'est pas venue des pieds de joueurs camerounais, sénégalais ou tunisiens, bref, de joueurs qui émargent dans le sommet de la hiérarchie africaine mais de joueurs gabonais au palmarès quasi vierge. Il y a moins d'un an, ces Gabonais étaient venus à Alger disputer le tournoi en faveur des sinistrés de Boumerdès. A l'époque, ils nous avaient indiqué que leur équipe nationale était en pleine reconstruction et que c'était pour eux un honneur de rencontrer la «grande» équipe d'Algérie. Aujourd'hui, ce sont eux qui viennent donner la leçon à cette formation. Et que l'on ne nous dise pas que cette défaite était due au fait que notre équipe a évolué à dix en seconde mi-temps, suite à l'exclusion (justifiée d'ailleurs) de Cherad. On aurait pu terminer le match à onze contre onze, rafraîchir le temps d'au moins 10°, ramener 400.000 spectateurs dans le stade d'Annaba, les Gabonais nous auraient battus. Pourquoi? Tout simplement parce que sur le plan de la cohésion, de la solidarité, de la fraîcheur physique et de l'engagement ils étaient supérieurs aux nôtres. Un point, c'est tout. Le reste n'est que blabla, surtout s'il a tendance à chercher des excuses pour minimiser l'humiliation. Il faut surtout garder les pieds sur terre et voir qu'au-delà de l'élimination de la Coupe du monde 2006, qui est presque consommée, on doit penser à la CAN 2006 dont la qualification est mise en péril. Mais sincèrement, avec une telle équipe, est-ce que nous méritons vraiment d'aller en Egypte dans deux ans? Maintenant, il est vrai, un match n'est qu'un match et cette équipe moribonde de septembre 2004 peut se ressaisir et se remettre sur les rails lors de ses prochaines sorties. Pour notre part, nous ne changeons pas d'un iota notre jugement que même avec une équipe qui se remet à gagner, il faut songer à tout revoir dans notre football. En 1977, le défunt président Houari Boumediene, avait donné un grand coup sur la table et indiqué que les clubs devaient être mis sous la coupe d'entreprises publiques avec comme axe prioritaire les équipes nationales. Tout l'argent qui était versé au secteur était suffisamment contrôlé par les entreprises étatiques avec les résultats sportifs positifs que l'on connaît. En 1989 ces entreprises, sous l'effet de la crise économique mondiale, ont préféré se retirer du jeu. L'Etat a continué, pour sa part, à verser des sommes considérables d'argent sans soumettre les clubs à un contrôle rigoureux. Il aurait, certainement mieux fait de laisser les entreprises de son secteur à la tête des clubs et leur donner cet argent pour qu'elles continuent à faire marcher la baraque. Une chose est sûre, la politique sportive aurait été nettement plus efficace que celle qui a été prônée depuis 1989 et qui a vu les pouvoirs publics injecter des milliards sans grosse contre partie.