«C'est une honte!», s'est-on écrié en choeur. «Si le président de la République a l'intention de régler le problème des disparus, il n'a pas à travailler avec une commission ad hoc pour gagner du temps». C'est en ces termes que M.Merabet, président de l'association Somoud (organisation regroupant les familles des victimes enlevées par les GIA), a interpellé le chef de l'Etat, non sans lui reprocher «de faire peu pour élucider le dossier des victimes de la décennie rouge». Entouré de Mme Yous, présidente de l'association SOS disparus, et les quelque familles de disparus qui ont tenu à se signaler dans l'exigu local de l'association que dirige Mme Yous et où s'est déroulé le point de presse, Merabet a imputé le statu quo qui perdure depuis des années aux instance suprêmes de l'Etat qui «s'agitent désespérément à acheter notre silence». Le porte-parole de Somoud ne se fait aucune illusion quant au sort de tous ceux qui ont été enlevés par les groupes armés. «Nous savons qu'ils sont morts», a-t-il déclaré. Ce qu'il revendique, en revanche, c'est l'ouverture de tous les charniers - où moisissent 1000 victimes selon le chiffre qu'il a avancé - l'identification des ossements et l'ouverture d'enquêtes approfondies en vue d'identifier les coupables. N'en étant point là, l'orateur n'a qu'une seule explicationau bout des lèvres: «L'Etat veut nous amener à marchander le sang des nôtres», en sous-entendant les indemnisations proposées aux familles des disparus. Dès que cet aspect fut abordé toute la salle se mit en effervescence. Et c'est Yous qui a donné un prolongement au cri désapprobateur de Merabet tout en écorchant au passage M.Marouane, l'un des animateurs du collectif des familles des disparus, qui aurait exigé un milliard de centimes pour «se taire à jamais sur le cas de son frère». «C'est une honte!», s'est-on écriés en choeur. Les présents ont convié la presse à constater d'elle-même la «répugnance des familles à troquer le sang des leurs contre de honteux centimes». M.Ferhati, l'un des animateurs de SOS disparus, a rajouté dans ses accusations: «L'Etat veut nous faire accepter des indemnités sous le couvert d'aide sociale.» Exhibant le document à remplir, Ferhati s'est indigné qu'il n'y ait nul chapitre indiquant qu'il s'agit d'une aide sociale. Un rassemblement est prévu aujourd'hui pour accentuer la pression sur les autorités habilitées à agir. Pour ce qui est des rapports qui lient ces deux associations à la commission de Ksentini, celles-ci affichent clairement leur lassitude à suivre «un Ksentini incapable d'agir de son propre chef». Elles ont même décidé de nepas lui remettre la liste de l'ensemble des disparus prétextant qu'elle sera utilisée «comme décor lors du prochain rapport qu'il présentera au mois d'octobre». Du point de vue de Merabet, Ksentini a toute latitude de prendre connaissance de tous les cas de disparition au niveau du ministère de l'Intérieur. Le vrai problème, a t-il ajouté, «c'est d'en avoir la volonté». D'autre part, il a estimé que Somoud a «assez éclairé les autorités par le biais de témoignages qu'elle avait pu obtenir de certains repentis». Il y a aussi à préciser que la tâche de Ksentini est beaucoup moins corsée avec Somoud qu'avec SOS disparus. Si la première n'exige que des réparations matérielles et morales, la seconde insiste à ce que tous les disparus «soient relâchés sains et saufs». Avec la guerre des mots qui s'attise entre les partiesen conflit, le dossier risquede connaître des rebondissements fort peu favorables à son dénouement.