L'association Somoud devra faire état de ses doléances aux ONG internationales telles que Amnesty International pour se faire entendre des autorités algériennes. “Farouk Ksentini, le président du mécanisme ad hoc sur la question des disparus a exclu les victimes enlevées par les groupes terroristes de son rapport transmis, récemment, au président de la république”. C'est ce qu'a révélé, hier, Ali Merabet, le président de Somoud, l'association des familles des personnes enlevées par les groupes terroristes, dans une conférence de presse animée au siège du rassemblement action jeunesse (RAJ) à Alger. En compagnie de l'avocat de son association, en l'occurrence Me Adnane Bouchaïb, Ali Merabet a expliqué que le président du mécanisme ad hoc “a sanctionné toute une catégorie de victimes parce que j'ai refusé de lui donner les 313 dossiers des familles d'enlevés par les terroristes en ma possession pour qu'il décore son rapport”. Indiquant que “Ksentini n'a pas besoin de mes dossiers pour s'enquérir du nombre (dix mille) et de la situation des familles des enlevés par les terroristes et pouvait s'adresser au ministère de l'intérieur et également faire des enquêtes”. Me Bouchaïb s'interrogera sur les visées de la démarche du président du mécanisme ad hoc : “nous ne comprenons pas pourquoi Ksentini, qui s'exprimait sur les ondes de la Chaîne III, reconnaît l'existence des personnes enlevées par les services de sécurité, mais refuse d'admettre l'existence de personnes enlevées par les terroristes !” “Est-ce que cela veut dire que je dois oublier mon père, Merabet, ses frères et les familles ; leurs proches enlevés par les terroristes ?” s'interroge-t-il avant de marteler : “nous n'accepterons pas cela et nous nous arrêterons jamais de rechercher la vérité sur nos familles !” Rappelant que l'association Somoud a d'elle-même pris attache avec Ksentini au lendemain de sa désignation à la tête du mécanisme ad hoc, Ali Merabet notera que “nous nous sommes entendus avec lui (Ksentini) sur un plan de travail où nous devions recueillir des informations auprès des familles de victimes et des terroristes ayant déposé les armes sur le lieu des charniers et de procéder par la suite à une identification par l'ADN des ossements ainsi que sur la facilitation de l'obtention des jugements de décès pour permettre aux familles des victimes de faire leur deuil”. Toutefois, le président de la commission ad hoc dira-t-il “n'a pas respecté ses engagements”. “Nous avons été étonnés du fait que Ksentini avait demandé la liste des dossiers des victimes et a téléphoné aux familles pour leur demander d'accepter une indemnisation”, relèvera, à ce propos, le président de Somoud avant de conclure que “Ksentini n'avait pas pour mission de résoudre notre problème”. Exclus du rapport Ksentini, les familles des enlevés par les terroristes investissent une autre démarche. En l'occurrence, associer les institutions, les partis et les organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales à leur problème. C'est ainsi que Somoud a été reçue, récemment, par le mouvement de la société pour la paix (MSP), le mouvement de la réforme nationale (MRN) et le front national algérien (FNA), a indiqué Merabet qui prévoit également de prendre langue avec des ONG des droits de l'homme. La présidence de la république ainsi que le ministère de l'intérieur ont été destinataires, pour leur part, des propositions de Somoud concernant la catégorie de victimes qu'il défend. Des propositions portant sur le projet de réconciliation nationale ont été également transmises à ces deux institutions. “Nous recommandons une justice de transition au cours de laquelle, on ramènera les présumés coupables qui feront leurs aveux, exprimeront leurs regrets et demanderont pardon”, dira Merabet avant de préciser que des familles pardonneront tandis que d'autres non. “La réconciliation est un long processus, on ne peut pas régler une crise de quinze ans directement par l'amnistie”, souligne Merabet. Dénonçant “ceux qui ont commencé la campagne pour l'amnistie sans savoir de quoi il s'agit”, Me Bouchaïb les qualifiera de “parasites, pollueurs de la scène politique qui applaudissent, d'emblée, pour éviter le débat”. Regrettant, par ailleurs, ne pas recevoir de réponses de la part des institutions algériennes en ce qui concerne leurs propositions, Merabet dit devoir passer “par les ONG internationales dont Amnesty international pour se faire entendre des autorités algériennes”. Dans ce même ordre d'idées, Merabet déplorera que le président Bouteflika aille se recueillir à la mémoire des victimes du terrorisme à l'étranger, comme c'est le cas pour les attentats de Madrid le 11 mars dernier, mais ne le fait pas en Algérie : “Pourquoi le Président ne va-t-il pas se recueillir sur les tombes de Bentalha, Sidi R'zin ou Raïs ?” s'interroge Merabet avant d'asséner : “nous nous sentons méprisés par le président de la république.” N. M.