Une vue d'une séance au Sénat Deux alternatives se présentent: soit la loi sera rejetée au niveau du Sénat, soit elle sera remodelée et adoucie pour ne pas heurter les sensibilités. Le camp des conservateurs doit jubiler. Des sources autorisées ont confié à L'Expression hier, que le projet de loi amendant et complétant le Code pénal portant de nouvelles procédures inhérentes à la protection de la femme contre toutes les formes de violence, adopté au Parlement le 3 mars dernier sera retiré! «Une formule adéquate sera trouvée pour le retrait de projet», indique notre source précisant que deux alternatives se présentent dans ce cas précis: «soit la loi sera tout simplement rejetée au niveau du Sénat par des sénateurs qui lui sont hostiles, ou alors elle sera remodelée, adoucie et adaptée pour ne pas heurter les sensibilités», confie notre source précisant que cette décision a été prise dans le but «d'éviter une fracture au sein de la société». On apprend également, de ces mêmes sources autorisées, que des assurances auraient été données à certains partis islamistes qui sont montés au créneau. «Ce projet a été perçu comme une agression et une atteinte à l'intégrité de la famille algérienne», justifie notre source avouant qu'actuellement l'Algérie a des préoccupations, autrement plus importantes et «qu'en ces moments de graves perturbations régionales, notre pays a besoin plus que jamais de resserrer les fronts internes et de préserver une stabilité chèrement acquise». Le projet de loi criminalisant la violence contre les femmes en Algérie, veut défendre les femmes contre les violences de leur conjoint, et préserver leurs ressources financières des convoitises de celui-ci, perçu comme le chef de famille dans les sociétés traditionnelles. Ce texte, qui modifie et complète le Code pénal, introduit également la notion de harcèlement dans les lieux publics et celle de harcèlement moral conjugal. Il dispose que quiconque porte volontairement des coups à son conjoint, et en fonction des blessures, risque de un à 20 ans de prison avec la réclusion à perpétuité en cas de décès. Un autre article prévoit six mois à deux ans de prison pour «quiconque exerce sur son épouse des contraintes, afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières». L'Algérie est ainsi le deuxième pays du Maghreb, après la Tunisie, à criminaliser les violences contre les femmes. Cette loi a suscité une véritable levée de boucliers et donné lieu à des échanges de propos violents entre députés au sein même de l'hémicycle. D'un côté, les islamistes de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) appuyés par quelques députés indépendants et même certains du FLN (parti majoritaire) qui ont frontalement affiché leur hostilité à ce projet d'amendement du Code pénal, qui, estiment-ils, «n'a rien de révolutionnaire» mais qui vise plutôt «à porter atteinte à la famille». Le texte est «contraire aux préceptes coraniques et vise la dislocation de la famille», a estimé le député Naâmane Belaouar de l'AAV. Les islamistes ont été jusqu'à qualifier cette loi d'«une intrusion dans l'intimité du couple contraire aux valeurs de l'islam». De l'autre côté, les partis et les progressistes à l'image du FFS et PT de Louisa Hanoune, qui ont réclamé l'abrogation pure et simple du Code de la famille. Cette poussée de fièvre est en réalité un signe de très profondes transformations de la société algérienne. L'accès massif des filles à l'école a remodelé le paysage professionnel du pays qui compte aujourd'hui 65% de femmes parmi les diplômés, 42% des magistrats sont des femmes! Les femmes algériennes se sont réappropriées l'espace public, le rôle politique (deux tiers de parlementaires sont des femmes), économique et scientifique. Dans l'Algérie de 2015, la femme est majoritaire à l'université, dans le secteur de la santé, de la justice, l'éducation et elle est en passe de conquérir le domaine militaire...Cette spectaculaire présence dans les lieux du pouvoir est le fruit d'une lutte de très longue haleine des associations féminines menée souvent au péril de leur vie.