Washington s'enfonce chaque jour un peu plus dans le bourbier irakien. Dix-huit mois après l'intervention de la coalition américano-britannique en Irak, la situation n'a cessé de se détériorer et les combats entre guérilla irakienne et GI's américains de se poursuivre aussi acharnés qu'au premier jour. La bataille de Sadr City toujours en cours hier, ayant commencé samedi dernier-, a occasionné, mardi, la mort de plus de cinquante policiers irakiens et soldats américains et fait plus de 280 blessés. C'est lors des accrochages dans la banlieue chiite de Bagdad, mardi, que le chiffre symbolique de 1000 soldats américains tués en Irak (il était alors exactement de 1001 selon le décompte de l'armée américaine) a été franchi. Hier, un autre soldat américain est mort dans l'explosion d'une bombe artisanale à Sadr City, au moment où deux de ses collègues étaient blessés, portant les pertes américaines en Irak, depuis le début de la guerre, à 1002. En cette opportunité, le porte-parole de la Maison-Blanche a salué «la mémoire» de ces soldats, mettant en exergue le fait que «leur sacrifice» nécessitait «de poursuivre la guerre» contre le terrorisme, faisant ainsi volontiers l'amalgame des raisons qui ont mené Washington à intervenir militairement en Irak et du terrorisme international. De fait, les Etats-Unis avaient pour objectif de détruire les armes de destruction massive (ADM) que le régime de Saddam Hussein était soupçonné détenir, ADM qui d'ailleurs n'ont jamais été, à ce jour, trouvées alors même que le terrorisme international relève d'une autre approche qui n'avait aucun lien avec la situation prévalant en Irak. Et le terrorisme qui sévit aujourd'hui dans ce pays est directement induit par son occupation par des forces étrangères. Sobrement, le général Richard Myers, chef d'état-major américain, commente «L'ennemi devient plus sophistiqué dans ses efforts pour déstabiliser le pays». Faisant de la surenchère, le candidat démocrate John Kerry affirme que mardi est un jour «tragique» plus de 1000 «fils et filles de l'Amérique» ayant «donné désormais leur vie au nom de leur pays, au nom de la liberté, de la guerre contre le terrorisme». Certes! Toutefois, lorsque trois soldats américains sont tombés à Sadr City, dans cette même bataille de la banlieue de Bagdad, près de 50 policiers et gardes nationaux irakiens étaient tués au moment où, à Falloujah, 100 Irakiens étaient victimes des bombardements de l'aviation américaine, selon le décompte-même de l'armée américaine qui annonçait hier le bilan de cette opération contre la ville rebelle sunnite. De fait, lors de ces dix-huit mois d'occupation américaine de l'Irak, plusieurs milliers d'Irakiens ont été tués qui n'étaient ni des terroristes, ni des islamistes ni des opposants, mais de simples citoyens qui ne savaient pas pourquoi ils étaient sacrifiés. La guerre est toujours sale et les Etats-Unis en décidant d'éliminer le président irakien Saddam Hussein ne savaient sans doute pas dans quel engrenage ils s'engageaient. Aujourd'hui, le monde sait que tous les prétextes, alors avancés, pour justifier l'expédition militaire contre le régime de Saddam Hussein, se sont avérés faux et non fondés, notamment la détention par l'Irak d'armes de destruction massive (quelles soient nucléaires, chimiques ou biologiques, lesquelles n'ont été découvertes nulle part) et les liens supposés de Saddam Hussein avec la nébuleuse islamique Al-Qaîda d'Oussama Ben Laden. Ainsi, les Etats-Unis ont imposé la guerre et détruit la cohésion d'un pays sur une simple présomption de détention par ce pays d'armes prohibées, quand ils ferment les yeux sur ceux (notamment Israël) qui menacent effectivement la paix et la sécurité dans le monde. Aujourd'hui, les Etats-Unis sont largement installés dans le bourbier irakien et la mort du millième soldat américain confirme en revanche le fait que ces soldats n'avaient rien à faire en Irak et que ce n'était pas le terrorisme (qui en mars 2003 n'existait pas dans ce pays) qu'ils étaient venus combattre, mais qu'ils allaient permettre aux pétroliers américains d'avoir la main-mise sur le pétrole irakien. Par ailleurs, il n'y avait toujours pas, hier, de nouvelles des quatre personnes kidnappées, deux Italiennes et deux Irakiens travaillant pour deux ONG humanitaires italiennes. Il en est de même pour les deux journalistes français sur le sort desquels rien n'a filtré depuis dimanche dernier.