Jacques Chirac arrivera finalement en Algérie le 1er décembre. Pas à l'invitation du Président Bouteflika formulée à Paris, l'an dernier, mais dans le cadre d'une tournée maghrébine qui englobe Alger, Rabat et Tunis. Le président français, qui a multiplié ses déplacements ces dernières semaines pour s'entretenir avec ses alliés européens et américains, a-t-il négligé le Maghreb? A Paris, on s'interrogeait sur le fait que ni l'Elysée ni Matignon n'avaient daigné jauger les positions des partenaires de l'UMA depuis les attentats du 11 septembre à New York. Si l'on excepte la tournée furtive du ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine dans les pays du Maghreb, Tripoli y compris. Paris a laissé l'initiative à Washington de former une coalition internationale contre le terrorisme en se rapprochant de très près des pays maghrébins qui, par tradition politique, traitaient exclusivement avec l'Europe, particulièrement la France, dès qu'il s'agit de sujets sensibles. En se déplaçant au Maghreb dans une tournée surprise, Chirac rectifie quelque peu le tir. Mais, face à lui, il trouvera des chefs d'Etat aux exigences divergentes. En Tunisie, Chirac aura du mal à expliquer au président tunisien Ben Ali que la campagne politico-médiatique qui a ciblé son régime sur la question délicate du respect des droits de l'Homme en Tunisie n'avait pas l'aval du gouvernement français. Tunis a souffert d'un matraquage systématique visant le règne de Ben Ali et le peu d'ouverture démocratique de la vie politique. Il en reste encore des séquelles. A l'inverse, au Maroc, Chirac sera reçu comme un ami de la famille royale. Proche du défunt Hassan II, Chirac avait pris sous son aile protectrice l'ascension du jeune Mohammed VI et l'a accompagné de conseils et de recommandations politiques pour intégrer aisément le jeu international. Il en ressort une convergence totale sur la question du Sahara occidental qui divise Alger et Paris par Rabat interposée. Le soutien politique et diplomatique de la France à la troisième voie marocaine est mal perçue par les Algériens et irrite les Espagnols. Conjugué à cela, un investissement économique direct des entreprises françaises au Maroc et on aura une relation digne d'une lune de miel. Avec Alger, les choses seront tout autre. Le Président Bouteflika n'a pas encore digéré les atermoiements du duo Chirac-Jospin et leurs hésitations à venir à Alger à son invitation. Il en a référé à Sarkozy, De Charrette, Monod, Vaillant ou encore Védrine de passage en Algérie et voyait cet acte comme un symbole de reprise des relations bilatérales. Depuis, Bouteflika s'est considérablement rapproché de Washington qui accroît ses positions auprès du gouvernement algérien à travers un partenariat pragmatique et global, comme le reflète l'accord pour la livraison de matériel militaire nocturne à l'armée algérienne et auquel Paris était réticent. Il faudra énormément de souplesse au président français pour reprendre pied, et le bon, avec les autorités algériennes à commencer par un dialogue franc sur le dossier de la coopération antiterroriste. Si l'on greffe à cela le fait que le président français recherche inlassablement le soutien politique et électoral des Etats du Maghreb dans la perspective de son duel présidentiel avec Lionel Jospin, il est fort à parier que le passage de Chirac à Alger sera un test qui conditionnera pour longtemps l'avenir des relations algéro-françaises.