Un véritable rempart qui empêche un flux incontrôlable d'aller vers la rive nord de la Méditerranée. Bon an, mal an, l'Algérie refoule quatre à cinq mille immigrés clandestins, représentant pas moins de dix-neuf nationalités. Maliens, Nigérians, Sénégalais, Tchadiens, Burkinabés, Mauri-taniens, Congolais, Ivoiriens etc. sont interceptés à Ouargla, Tamanrasset, Tindouf et refoulés dans leurs pays d'origine. Parfois, ils arrivent à passer à travers le maillage sécuritaire et rejoignent les villes du Nord, Maghnia, Oran, Mostaganem. Moins de 1% arrivent à passer de l'autre côté de la Méditerranée. Sept à huit mille immigrés clandestins sont interceptés annuellement dans les villes algériennes du Sud, et aux frontières maliennes et nigériennes, si l'on ajoute ceux qui, faute de faille pour passer les frontières, restent coincés de l'autre côté. Remarquez que le Sud est grand comme trois fois la France et qu'il est quasiment impossible à surveiller mètre par mètre. Les effectifs de la Gendarmerie, les «gardes frontières» du Sud, et ceux de l'armée, qui détache des contingents militaires dans les postes avancés, restent très insuffisants pour surveiller près de 3000 kilomètres. Des responsables politiques algériens chuchotent tout bas que l'Europe devrait payer pour ce que l'Algérie fait en matière de sécurité, alors que la logique voudrait que ce souhait soit émis officiellement, dans un cadre politique d'Etat à Etat, ou d'Etat à UE, ne serait-ce que pour en tenir informées les parties européennes et exiger que l'Algérie soit au moins dotée de moyens qui lui permettraient de lutter efficacement contre l'immigration clandestine vers l'Europe. Car, soulignons-le, l'Algérie n'étant pas un pays où le marché de la main-d'oeuvre prospère, c'est effectivement vers l'Europe que le flux tend à se diriger. L'Algérie dans ce cas, ne joue que le rôle ambigu et malheureux de pays de transit. Le dernier rapport de la Gendarmerie nationale communiqué à la presse est très instructif. 2806 personnes ont été arrêtées en 2000, 4273 en 2001, 4118 en 2002, 4870 en 2003 et 2115 entre le 1er janvier et le 30 mai 2004. Les Nigériens, avec 35% des étrangers arrêtés, constituent la nationalité la plus concernée par l'immigration, suivis des Maliens, avec 20%, des (tenez-vous bien), Syriens, avec 7%, les Guinéens et les Marocains avec 6%, etc. Si l'on se réfère à la dernière journée - entre le 13 et le 14 septembre -, on reste effaré: un Marocain a été arrêté à Tlemcen, deux Maliens à Maghnia (dernière escale avant de rejoindre l'Espagne via le Maroc) quatre à Illizi, dix-neuf à Djanet, huit à Ouargla, quatre Maliens à Aïn Témouchent et un Libérien à Oran, soit un total de 39 personnes arrêtées en moins de quarante-huit heures. Tout ce flux humain qui traverse l'Algérie véhicule une somme exceptionnelle de tensions, de malaises, et de cultures désaxées. Ce déracinement fragilise la communauté et l'individu, qui peut,-cela avait été prouvé-, épouser des causes qui ne sont pas les siennes et se retrouver plongé dans des séditions locales. Cela peut faire d'eux autant de terroristes potentiels, car ils auront quelque chose à prouver pour leur nouvelle intégration ou une revanche à prendre sur «un Occident qui les pénalise de loin». Trois quarts de la population carcérale en France est issue des jeunes des pays du Maghreb et du Sahel. Le constat est presque similaire pour l'Espagne. Ce qui nous ramène à redire encore que le travail, la prévention et la sécurité pour l'Europe commencent loin de l'Europe. Comme quoi toutes les formes de sécurité et de bien-être se payent, alors n'ayons pas honte de la sécurité qui dit son prix.