Le ministre algérien des Affaires étrangères a catégoriquement rejeté l'idée de créer des «centres de transit». Le 17 octobre 2004, lors de la tenue de la rencontre du groupe de cinq pays européens à Florence, en Italie, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le pays hôte, l'Italie, avaient soutenu l'idée émise par un groupe de travail et qui consistait en la création de «camps de transit» en Afrique du Nord, pour retenir le trop fort flux migratoire africain vers l'Europe. Quelques jours plus tard, lors de la tenue du «Forum 5+5» à Oran, l'Algérie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a opposé un «non» catégorique à cette proposition, tout en réitérant sa position concernant le problème de l'immigration clandestine. Pour l'Algérie, ce n'était pas là «un phénomène nouveau et pour le combattre, il importait de créer un cadre de solidarité et de concertation dans ce domaine (...) et que le forum des «5+5» soit ouvert aux pays du Sahel et à la région contiguë pour le moins concernant ce problème précis, afin de mettre un terme ou à tout le moins, limiter ce phénomène qui induit des drames humains et sociaux épouvantables. Selon des statistiques onusiennes, 30 millions de personnes traversent chaque année de manière illégale les frontières internationales. Entre 400.000 et 500.000 immigrants clandestins affluent chaque année vers les pays de l'Union européenne et particulièrement ceux du Sud, France, Espagne et Italie. Avec près de 15.000 km de frontières, hormis celles du nord, l'Algérie arrête bon an mal an entre 6000 et 8000 personnes venues de plusieurs pays africains et non pas uniquement du Sahel. Les statistiques rendues publiques depuis l'année 2000 font état de l'arrestation de près de 25.000 personnes aux frontières algériennes ou à l'intérieur du pays. Le flux important et l'évolution préoccupante de l'immigration clandestine africaine a mis dans l'embarras aussi bien les «pays de transit» (l'Algérie et le Maroc principalement) que les pays de la berge nord de la Méditerranée (France, Espagne et Italie). Alors que pour les premiers, il était impossible de continuer à gérer un extraordinaire mouvement humain qui accaparait hommes et moyens, et donc un surplus d'investissement, pour les seconds, l'impératif sécuritaire est à son paroxysme et la peur de voir sortir des terroristes du lot des nouveaux arrivants. L'Algérie a joué jusque-là un rôle de bouclier pour l'Europe, tout aussi bien que le Maroc, du reste, mais cette gestion a un coût aussi bien humain et moral que financier. Le seul territoire de la 6e Région militaire (Tamanrasset), représente l'équivalent de 18 fois un pays comme la Belgique et les frontières immenses avec les pays du Sahel, comme le Mali, le Niger et la Mauritanie, sont surveillées sans complaisance, ainsi que l'attestent les rapports périodiques de la Gendarmerie nationale dont les gardes-frontières et les escadrons routiers du Sud relèvent de ses compétences. Face à l'ampleur de ce flux, les pays de l'UE ont proposé de mettre à disposition un fonds commun de la gestion de l'immigration. Le fonds en question n'a jamais rapporté le moindre dinar à l'Algérie car non encore opérationnel, alors que de l'autre côté, des statistiques faites par l'ONU font état d'un pactole de 10 à 15 milliards de dollars qui échoit annuellement aux réseaux chargés de la prise en charge des clandestins jusqu'à la destination finale. Les connexions de ces mêmes réseaux avec le terrorisme transnational sont très souvent évoquées. Pour l'instant, l'Europe du Sud ne dispose que de peu de moyens pour faire face au problème. La fermeture hermétique des frontières, la répression et le rapatriement restent les mesures classiques, mais non humaines opposées à un problème résolument humain. Les pays de l'UE se sont mis d'accord récemment pour la création de «l'Agence européenne de gestion et de contrôle des frontières», avant mai 2005 mais le problème ne sera pas réglé sans une participation active et coûteuse des pays du Sud, premier rempart de l'Europe, comme les pays maghrébins et sans une aide sérieuse et à long terme aux pays du Sahel et du Sub-Sahel dont le contexte politique, l'indigence sociale, les conflits tribaux et la rébellion incitent à beaucoup de mesure et à moins d'optimisme. Le drame humain est la source de ce problème migratoire dont nous ne voyons que la face émergée. L'Algérie gère une partie du problème avec ses moyens propres. 1200 clandestins ont été emprisonnés en 2003 et 1259 en 2004 pour près de 8000 refoulés pour les deux années. Mais beaucoup réussissent à passer à travers le maillage et s'installent dans les grandes villes du Nord algérien. L'Algérie elle-même connaît des problèmes immenses liés au travail et c'est en toute logique que pendant les mois qu'ils essayent de s'installer à Alger, Oran ou Annaba en menant des vies précaires, leurs yeux demeurent résolument et ostensiblement fixés sur l'Europe.