«Je m'empresse de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer.» Beaumarchais Mais sous le régime du parti unique, il est interdit de rire car le rire est libérateur et salvateur! Rien ne peut remplacer la liberté d'expression: elle est le thermomètre, le baromètre et le critère de la démocratie. Ceux qui gouvernent ne sont pas à l'abri des critiques car, comme le faisait remarquer Beaumarchais: «Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur.» Le blâme peut s'exprimer de différentes manières: la critique scientifique rigoureuse à coups d'arguments d'école ou par la satire. C'est cette dernière qui a la préférence des téléspectateurs. Dans un pays où on ne risque pas, pour une lettre malencontreusement placée en lieu et place d'une autre à la fin d'un mot de tout ce qu'il y a de plus anodin, sous le coup d'atteinte à une personne privée, la satire s'exerce sur toutes les personnes en vue de la société, quelle que soit sa place ou son rang. Les personnalités du monde politique sont, en général, les cibles privilégiées des pamphlétaires et des caricaturistes. Les premières satires s'exprimaient à travers des pièces de théâtre, des farces où l'on raillait les travers de l'avare, le dépit du vieillard amoureux, les mésaventures du naïf, les infortunes du cocu ou l'ambition démesurée... La satire dura longtemps clandestine: des pamphlets rapidement placardés par des mains anonymes mais bien attentionnés sur les murs des villes. La meilleure forme de la satire est bien entendu, la caricature: dessin qui «croque» un personnage, en grossissant ses caractéristiques physiques pour en faire ressortir ses travers moraux. Les chansonniers, eux, en adaptant des succès populaires de l'heure ou qui ont marqué une époque, stigmatisaient sur les planches des cafés-concerts ou sur les ondes radio, les leaders politiques. La vogue dura longtemps. A l'arrivée de la télévision, les chansonniers furent remplacés par des imitateurs de talent qui, grâce à leurs dons d'imitation et aux textes d'auteurs humoristiques reconnus, défoncèrent bien des barrières et brisèrent bien des tabous. Sous forme de marionnettes habilement manipulées, les humoristes se moquèrent férocement des hommes politiques français dans le fameux «Bébête Show» de Jean Roucas (passé au FN après une descente infernale dans le monde de l'alcoolisme). On peut tout faire passer par l'humour (enfin dans un pays où les responsables politiques ont le sens de l'humour!). Mais la palme de la dérision revient sans aucun doute aux «Guignols de l'info» qui, avec un humour décalé et caustique, se gaussent des hommes politiques et du traitement des informations par les journaux télévisés. Aucun des acteurs de la vie sociale ou politique n'est épargné: Chirac, Sarkozy, Hollande avec ex-épouse et maîtresses, leurs épouses, Obama, le pape François, Ben Laden et Mitterrand qui ressuscitent à l'occasion pour donner leur avis sur l'action de gens qui se réclament d'eux... Le trait est toujours juste même avec quelques outrances: un Dr Sylvestre (qui ressemble comme un frère jumeau à Sylvester Stallone), incarne les faucons du Pentagone, les rapaces de Wall Street, le G.I qui crapahute de par le monde... Même la vie privée de ces personnes est épinglée: on entre souvent dans la vie intime des présidents de la République française, de leurs exploits amoureux. Les chefs d'Etat étrangers ne sont pas épargnés et ils sont égratignés à tour de rôle, selon une actualité qui prête à la dérision. Bref, le spectacle des Guignols demeure toujours un succès!