Le Nigeria retournait aux urnes hier pour élire les gouverneurs et les représentants des assemblées locales des Etats, un scrutin que l'opposition espère remporter dans la foulée de sa victoire historique à la présidentielle il y a deux semaines. Les élections des gouverneurs n'ont lieu que dans 29 Etats hier, les autres ayant déjà fait l'objet d'élections partielles, mais l'ensemble des 36 Etats doivent se rendre aux urnes pour élire les représentants des assemblées locales. Le Congrès progressiste (APC) du président élu Muhammadu Buhari ne détient que 14 des 36 Etats de la fédération nigériane, tandis que le Parti démocratique populaire (PDP) du président battu Goodluck Jonathan en contrôle 21. Mais le PDP «risque de perdre sa majorité concernant les gouverneurs, en partie à cause de l'effet d'entraînement, de l'usure du pouvoir et du succès de l'APC (à la présidentielle) dans des régions comme le sud-ouest et la +middle belt+ (au centre)» a estimé le cabinet de conseil Eurasia Groupe dans une note publiée vendredi. Pour le président d'Eurasia pour l'Afrique sub-saharienne, Philippe de Pontet, cependant, l'Etat stratégique de Rivers, en plein sud pétrolier, a des chances d'être remporté par le PDP. Dans ce fief historique du PDP, le gouverneur sortant Rotimi Amaechi a changé son fusil d'épaule en cours de mandat en rejoignant l'APC en 2013. Port Harcourt, la capitale de l'Etat de Rivers, a déjà été le théâtre de violences, au lendemain de l'élection présidentielle, des militants de l'APC accusant le PDP et la Commission électorale indépendante (Inec) d'y avoir bourré les urnes lors de la présidentielle - remportée par M. Jonathan avec 95% des voix dans cet Etat. Dakuku Peterside et Nyesom Wike, les candidats de l'APC et du PDP dans l'Etat de Rivers, ont signé cette semaine un accord de paix. Mais une cinquantaine de militants de l'APC ont commencé à manifester dès hier matin, dans le quartier de Rumola, pour dénoncer de nouvelles fraudes et demander l'annulation du scrutin dans leur quartier. Des tirs sporadiques ont été rapportés par endroits, dans cet Etat stratégique du scrutin, et une partie du bureau de la Commission électorale indépendante (Inec) a été brûlée dans la ville de Buguma, selon le porte-parole de la police, Ahmad Muhammad, mais la situation semblait maîtrisée à la mi-journée. L'Etat de Rivers concentre une grande partie des revenus pétroliers et gaziers du Nigeria, premier producteur d'or noir d'Afrique. Les actions des gouverneurs, qui tiennent les cordons de la bourse dans des domaines-clés, tels que l'éducation, la santé et les infrastructures, ont souvent plus d'impact direct sur la population que celles du président, selon certains experts. Dans l'Etat de Lagos, le plus peuplé du Nigeria avec ses quelque 20 millions d'habitants, véritable poumon économique du pays et fief de l'opposition, Akinwunmi Ambode, de l'APC, pourrait être mis en difficulté par Jimi Agbaje du PDP. Le porte-parole de l'APC, Lai Mohammed, a accusé dans un communiqué «des voyous armés par le PDP» de «tirer de façon sporadique pour effrayer les électeurs et de s'emparer du matériel électoral» à Lagos. Le PDP n'a pas réagi à ces accusations pour l'instant. Dans les Etats de Kaduna, au nord, et du Plateau, au centre, deux zones où cohabitent musulmans et chrétiens et où les dissensions politiques ont tendance à attiser les tensions religieuses, des clashes sont toujours redoutés en période électorale. L'APC pourrait prendre le pouvoir au PDP dans l'Etat de Kaduna, qui a voté à 70% pour M.Buhari à la présidentielle, selon les commentateurs.