Le Congrès progressiste (APC) du président élu Muhammadu Buhari ne détient que 14 des 36 Etats de la Fédération nigériane, tandis que le Parti démocratique populaire (PDP) du président battu Goodluck Jonathan en contrôle 21. Le Nigeria retourne aux urnes aujourd'hui pour élire les gouverneurs et les représentants des assemblées locales des Etats, un scrutin où l'opposition espère transformer l'essai, deux semaines après sa victoire historique à la présidentielle. Les élections des gouverneurs n'auront lieu que dans 29 Etats aujourd'hui, les autres ayant déjà fait l'objet d'élections partielles, mais l'ensemble des 36 Etats doivent se rendre aux urnes pour élire les représentants des assemblées locales. «La présidence, c'est abstrait pour la plupart des Nigérians, donc les gouverneurs font le lien entre la présidence et le peuple sur le terrain», explique le commentateur politique Chris Ngwodo. Les actions des gouverneurs, qui tiennent les cordons de la bourse dans des domaines tels que l'éducation, la santé et les infrastructures ont d'ailleurs plus d'impact direct sur la population que celles du président, selon M.Ngwodo. M.Buhari a remporté l'élection présidentielle du 28 mars avec 54% des voix. Il s'agit de la première alternance par les urnes du Nigeria, à l'issue d'un scrutin relativement pacifique, dans un pays qui a une longue histoire de violences électorales. Le général à la retraite, âgé de 72 ans, a fait campagne sur le thème du «changement», attaquant M.Jonathan sur son manque de réactivité pour mater la rébellion du groupe islamiste Boko Haram dans le nord du pays, et pour n'avoir pas su lutter contre la corruption rampante qui ravage la première économie du continent africain. Candidat d'une opposition unie, il a réussi à arracher le pouvoir au PDP qui régnait en maître depuis la fin des dictatures militaires au Nigeria, en 1999. «Après les résultats de l'élection présidentielle, on peut s'attendre à un effet d'entraînement» en faveur de l'APC dans certains Etats au_jourd'hui, estime M.Ngwodo. «L'APC va forcément obtenir de meilleurs scores que prévu, maintenant qu'ils ont réussi à remporter le scrutin au niveau national», renchérit Dawn Dimowo, consultante au sein de l'entreprise Africapractice. Dans quelques Etats-clés, la course au poste de gouverneur s'annonce serrée et pourrait engendrer des frictions, selon les deux experts. L'Etat de Lagos, le plus peuplé du Nigeria avec ses quelque 20 millions d'habitants et sa locomotive économique, est un fief de l'APC depuis 1999. Le candidat de l'APC Akinwunmi Ambode y affrontera Jimi Agbaje, du PDP. Lors de la présidentielle, M. Buhari est ressorti vainqueur d'une courte tête, mais avec un très fort taux d'abstention. Port Harcourt, la capitale de l'Etat de Rivers, dans la région pétrolifère du Delta du Niger (sud), est fréquemment le théâtre de violences politiques. Le PDP a remporté toutes les élections locales et nationales dans cet Etat depuis 1999. Mais le gouverneur Rotimi Amaechi, ancien pilier du PDP, a quitté le parti l'an dernier pour devenir un virulent détracteur de Goodluck Jonathan et le directeur de campagne de son adversaire Muhammadu Buhari. Les partisans de l'APC ont accusé le PDP et la commission électorale d'y avoir bourré les urnes lors de la présidentielle - remportée par M.Jonathan avec plus de 90% des voix dans cet Etat. Des violences pourraient éclater si l'opposition considère à nouveau que Mukhtar Ramalan Yero, du PDP, a volé la victoire au candidat de l'APC, Nasir El-Rufai. Le PDP contrôle aussi l'Etat de Kaduna, au nord, mais cette année on y a voté à 70% pour M.Buhari - qui y vit - lors de la présidentielle. Dans cet Etat, les clashes politiques attisent souvent les tensions religieuses. Enfin, l'Etat de Plateau (centre), situé en pleine «Middle Belt», cette zone de tension où se rencontrent le nord musulman et le sud chrétien du Nigeria, le PDP a le pouvoir depuis 1999, mais le gouverneur sortant, Jonah Jang laisse selon ses détracteurs un Etat asséché financièrement au terme de ses deux mandats et pourrait faire l'objet d'un vote-sanction.