La violence continue de semer la mort en Irak alors que le sort des otages reste incertain. La détérioration générale de la situation en Irak depuis une semaine fait douter de l'amélioration des conditions sécuritaires dans le pays comme s'efforcent de le faire croire les autorités intérimaires irakiennes et plus discrètement les Américains. De fait, hier encore, des affrontements ont eu lieu à Ramadi, au nord de Bagdad, occasionnant la mort d'au moins dix personnes qui viennent s'ajouter aux dix autres, dont le journaliste palestinien Mazen Al-Tomeizi, tuées lundi dans cette ville par un missile lancé à partir d'un hélicoptère Apache américain. De fait, l'armée américaine s'est excusée hier pour la mort du journaliste palestinien qui alourdit la liste de la trentaine de journalistes victimes de la guerre en Irak. Le bilan des morts, mardi, lors de l'attentat à la voiture piégée, contre le commissariat de la rue Haïfa à Bagdad, s'est encore alourdi hier, portant à 50 le nombre des morts et à plus de 110 celui des blessés. L'embuscade de Baâqouba contre un bus transportant des policiers a également eu sa part de victimes avec une quinzaine de policiers tués. Le pilonnage par des forces américaines, lundi, de la ville de Tall Afar, frontalière avec la Syrie, s'est soldé par la mort de 56 personnes, selon un bilan communiqué par les services de l'armée américaine. Au total entre les 90 personnes tuées mardi et hier à Bagdad, à Baâqouba et à Ramadi et celles mortes dans les affrontements et divers attentats de ces derniers jours, ce sont près de 300 personnes qui sont mortes dans ce pays depuis le début de la semaine. L'une des semaines les plus sanglantes en Irak, qui en a connu pourtant d'autres de ce genre depuis l'occupation du pays en avril 2003. De fait, la recrudescence de la violence remet en cause les plans établis par les Américains et l'autorité intérimaire irakienne pour sortir le pays de la crise. Contrairement aux déclarations des responsables intérimaires irakiens, la violence est allée crescendo ces derniers jours démentant l'amélioration sécuritaire annoncée par eux. Cela, d'autant plus, qu'en sus de la spirale de violence qui a pris dans son engrenage le peuple irakien, il y a cette multiplicité des prises d'otages étrangers qui dénature la résistance irakienne contre l'occupation étrangère. Car ce sont encore des personnes civiles, des journalistes, des bénévoles, des travailleurs de tous les secteurs, venus aider l'Irak à se relever, qui sont enlevés, souvent sauvagement tués, comme cela avait été le cas des douze otages népalais égorgés la semaine précédente. Aussi, de vives inquiétudes sont manifestées quant au sort des otages français, italiens, australiens, asiatiques et irakiens. Depuis hier, un Jordanien est venu s'ajouter à cette liste qui ne semble pas exhaustive. Dans l'affaire des otages, chaque pays a réagi différemment. Ainsi, l'Italie dont la diplomatie a été absente lors de l'enlèvement et l'assassinat du journaliste Enzo Baldoni, semble avoir tiré des leçons du dynamisme français, par l'envoi au Moyen-Orient du ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, qui va chercher à faire libérer les deux bénévoles italiennes, Simona Pari et Simona Torreta. Pour leur part, les Français restent sur le grill, notamment après les derniers développements de la situation des otages. De fait, il apparaît de plus en plus qu'une libération rapide des journalistes français Christain Chesnot et Georges Malbrunot devient quelque peu problématique après le dernier communiqué attribué aux preneurs d'otages qui justifient ces enlèvements par les «crimes» que la France aurait commis contre l'islam et les musulmans. En fait, dans un long communiqué, publié sur un site Internet islamiste, «l'Armée islamique en Irak» dans un véritable réquisitoire accuse la France d'être un «ennemi» de l'islam et des musulmans indiquant notamment: «L'histoire de la France avec les musulmans est une histoire noire, parsemée de haine, de rancune et de sang. Son histoire contemporaine n'est pas moins (noire)» écrit le groupe qui s'interroge: «pourquoi des associations et des personnalités islamiques sont-elles intervenues en faveur de deux infidèles mais n'ont rien fait pour les causes vitales de la nation»? Mais ce qui est nouveau c'est que le groupe se revendiquant «Armée islamique en Irak» fait pour la première fois référence à l'Algérie, accusant la France d'avoir «joué le rôle principal pour empêcher les musulmans de prendre le pouvoir en Algérie après leur victoire», faisant manifestement allusion aux élections annulées de 1992. Analysant ces nouveaux développements, un diplomate français, qui a requis l'anonymat, indique: «Le communiqué fait beaucoup référence à l'Afrique, en particulier aux pays du Maghreb et son langage rappelle celui du groupe Takfir wal Hijra, un groupe extrémiste que l'on retrouve à l'intérieur du GIA algérien». Le même d'ajouter: «Il n'est pas interdit de penser que l'Armée islamique en Irak est composée d'extrémistes radicaux qui considèrent les islamistes ne faisant pas partie de leur groupe comme des corrompus. La plupart des terroristes algériens ont adopté ce courant de pensée. Dans ce cas, la situation des deux Français risque d'être grave». De fait, la question de la présence d'étrangers, et notamment d'Arabes, parmi les groupes islamistes activant actuellement en Irak, a encore été relancée par le ministre irakien de la Santé selon lequel «Il y a des opérations planifiées pour tuer des civils (...), des groupes arabes (non irakiens) sont probablement à l'origine de ces actes». Toutefois, la démarche des preneurs d'otages reste confuse et singulièrement puérile, car, qu'espèrent-ils à part un scoop médiatique? Aucun Etat ne change de politique sous prétexte que ses nationaux sont détenus par des terroristes. Ce genre de chantage n'a jamais abouti. Aussi, la question qui se pose aujourd'hui face aux évènements en Irak est celle de savoir où veulent en venir ceux qui ont détourné la résistance irakienne de ses objectifs en se rabattant sur des civils dont des journalistes, qui sont là pour dire les exactions que commet quotidiennement l'occupant américain.